LCP – LUNDI 14 OCTOBRE À 20 H 30 – DOCUMENTAIRE
Ceux ayant vécu la campagne présidentielle de 1974 se souviennent de René Dumont, de son pull rouge et de son verre d’eau. Parmi ces septuagénaires (ou plus) d’aujourd’hui, Brice Lalonde, ancien ministre de l’environnement (1990-1992), Jean-Paul Besset, ancien journaliste au Monde et biographe de René Dumont, ou Marc Dufumier, le successeur de ce dernier à la chaire Agriculture comparée AgroParisTech. Tous trois font partie des nombreux intervenants sollicités pour René Dumont, géant vert.
Pour tous les autres, René Dumont est un inconnu. Le documentaire de ce soir va leur permettre de découvrir le parcours sinueux de celui qui reste le premier candidat écologiste au monde à s’être présenté à une élection présidentielle. Un peu à l’image du siècle qu’il a quasi traversé, puisqu’il est mort à 97 ans, le 18 juin 2001. Son appel sera-t-il cette fois entendu ?
Passons sur le titre, qui fait plus penser à une publicité pour du maïs qu’au destin d’un « agronome de la faim » visionnaire. Pour s’attacher à l’itinéraire de celui dont la quête obsessionnelle pour nourrir une planète toujours plus peuplée l’a fait passer de la défense du productivisme, découvert aux Etats-Unis en 1946, à sa condamnation, comme l’atteste un extrait de l’émission « Visa pour l’avenir », en 1967, dans laquelle il affirme : « Notre monde est un monde fini. » Ou encore d’un soutien à la révolution cubaine de Fidel Castro à la lutte contre tous les collectivismes.
Irréversible antimilitarisme
Pour comprendre, il faut remonter à l’enfance de René Dumont. Né le 13 mars 1904, à Cambrai (Nord), il n’a que 10 ans lorsque la guerre de 14-18 lui fait côtoyer la mort et la souffrance. Les soldats blessés sont soignés dans le collège où sa mère enseigne. Ils vont éveiller chez l’enfant un irréversible antimilitarisme.
Conçu de façon chronologique, à l’aide de multiples archives personnelles ou d’actualités, le film suit les allers-retours de ce globe-trotteur, dont la priorité, pendant cinquante ans, ne sera pas l’écologie (mot inconnu), mais la production alimentaire. En débutant par son embarquement pour le Tonkin, à 24 ans, où il va découvrir les bienfaits de la culture du riz, mais aussi les méfaits du régime colonial.
De retour en France, la crise des années 1930 annonce la guerre de 1939-1945, au cours de laquelle René Dumont est accusé d’avoir publié dans des revues pétainistes – ce que les témoignages relativisent ici.
A l’heure d’un premier bilan, à 70 ans, René Dumont admet, dans L’Utopie ou la mort (Seuil, 1973) : « Je me suis trompé. » Brice Lalonde se remémore alors avec un plaisir visible comment, à la mort de Georges Pompidou, la candidature de son mentor s’est imposée et a bousculé les codes : « Le choix aujourd’hui est toujours le même. »
René Dumont, géant vert, documentaire d’Anne-Charlotte Gourraud (Fr., 2024, 52 min), suivi d’un débat animé par Jean-Pierre Gratien avec Brice Lalonde et Erwan Lecœur, sociologue et universitaire. Sur Lcp.fr jusqu’au 27 novembre.