À l’occasion de l’élection présidentielle biélorusse, une équipe de TF1 a pu se rendre à Minsk, capitale du pays, sous haute surveillance.
Économie contrôlée, patriotisme exacerbé, dépendance à la Russie… La dernière dictature d’Europe cache de nombreux secrets.
Publicités limitées dans la rue, affiches patriotiques omniprésentes, architectures staliniennes, larges boulevards, style brutaliste… Minsk, la capitale de la Biélorussie, semble figée dans l’ère soviétique. Le pays est difficile d’accès pour la presse étrangère, mais TF1 a eu une autorisation à l’occasion de l’élection du Président.
Les entreprises d’État, le cœur de l’économie
Gardée par Lénine, père de la Révolution et fondateur de l’Union soviétique, l’usine de tracteurs Belarus a été bâtie en 1946, sur ordre de Staline. L’équipe de TF1 est autorisée à visiter une partie de la chaîne de production, la plus moderne. « En général, on dit que notre usine est la fierté nationale de la Biélorussie. Sans vouloir offenser notre Président, on aime dire que notre Biélorusse le plus connu au monde, c’est notre tracteur« , confie Ioulia Khramtsova, directrice de communication de l’usine, dans le reportage en tête de cet article. Ces tracteurs étaient, à l’époque, vendus dans toute l’URSS. L’usine est depuis restée publique. En Biélorussie, les trois quarts de la production proviennent d’entreprises d’État, héritage de l’ère communiste.
Loukachenko, le « père » du pays
Sous l’œil d’une membre de la direction de l’usine, les journalistes de TF1 sont reçus chez un ouvrier « modèle », chef d’atelier à la fonderie. Tout en mangeant des galettes de pommes de terre, la famille commence une petite démonstration de patriotisme. Le jeune garçon chantonne l’hymne national : « Nous, Biélorusses, sommes un peuple pacifiste, dévoué de tout cœur à notre mère patrie ». Il répond ensuite à la question de son père : « Dis nous comment s’appelle notre président ? » : « Alexandre Grigorievitch Loukachenko, on l’appelle aussi Backa ». L’ouvrier explique la signification : « La traduction de Backa en biélorusse, c’est ‘notre père’, c’est comme ça qu’on appelle nos pères et notre peuple nomme ainsi le président, il est comme notre papa ».
Au pouvoir depuis 31 ans, Loukachenko, petit père des peuples façon Staline biélorusse, a réprimé et supprimé toute opposition dans son pays qu’il dirige d’une main de fer. L’homme veut s’assurer la loyauté des agriculteurs, des ouvriers et n’hésite pas à mettre en scène ses punitions lors de visites d’usines, accompagné par la télévision nationale : « Comment peut-on laisser des femmes travailler au milieu des vitres cassées ? C’est un crime et ce crime sera puni. Je limoge donc sur le champ le directeur de l’usine et je nomme un nouveau directeur qui sera sous mon contrôle. C’est une chance pour lui, s’il ne réussit pas, il sera jeté en prison ».
Une éducation patriotique
Ancien membre du Parti communiste, le président biélorusse a gardé le modèle soviétique pour piloter la Biélorussie. Mais il existe tout de même, dans cette économie dirigée, quelques emblèmes capitalistes, comme les grandes chaines de fast-food. Dans l’un des plus gros centres commerciaux du pays, on trouve des produits étrangers comme du camembert Président, du Nescafé soluble ou du Nutella, mais aussi beaucoup de produits russes. Historiquement très liée à la Russie, l’économie biélorusse l’est devenue encore davantage depuis la guerre. Un produit importé sur deux provient de Moscou.
Méfiant vis à vis de l’Occident, le pouvoir promeut ce qu’on appelle en Biélorussie « l’idéologie d’État ». À Brest, dans l’ouest du pays, dans un ancien fort, les enfants de la région viennent parfaire « l’éducation patriotique » : tour de garde devant la flamme éternelle pour les uns, entrainement à la lutte pour d’autres. Ces adolescents suivent un stage d’une semaine. En parallèle, les écoles ont toutes un superviseur de l’éducation patriotique et l’apprentissage idéologique commence très tôt. « Notre programme d’éducation patriotique permanent concerne les enfants dès l’âge de 3 ans, à la crèche, puis à l’école primaire et jusqu’à l’université. C’est important pour nous d’éveiller chez les enfants leur amour pour la patrie, de leur apprendre la discipline et les valeurs morales », explique Victor Ivanov, directeur du centre patriotique de Brest.
Figée dans ce monde post-soviétique, la société biélorusse reste surveillée par un président au règne interminable. Au terme d’un scrutin verrouillé, sans réelle opposition, Alexandre Loukachenko a été réélu pour son septième mandat, le 26 janvier 2025.