Qui était vraiment Roy Cohn, co-vedette du film The Apprentice, d’Ali Abbasi, et qui fut pour Donald Trump un deuxième père ? « Une figure pervertie de l’exemplarité, qui enseigne le mépris de la loi, l’absence de scrupules, l’avidité, la religion du rapport de force et de la victoire », écrivait Jacques Mandelbaum le 8 octobre 2024, à la veille de la sortie du film en France.
Le nom de cet avocat sulfureux, mort il y a près de quarante ans, apparaît pour la première fois dans Le Monde le 1er janvier 1953. Il est alors un tout jeune homme de 26 ans, assistant zélé de l’attorney general James McGranery et proche du sénateur Joseph McCarthy. Très impliqué dans la chasse aux sorcières, anticommuniste et homophobe, il a eu un rôle déterminant dans la condamnation à mort des époux Rosenberg, accusés d’espionnage.
Cet hiver 1953, il est en croisade contre le « directeur de la stabilisation et du développement économique à l’ONU », dont il juge le profil « absolument déplorable, car il a admis avoir engagé non seulement une, mais trois, quatre, cinq personnes ou davantage » soupçonnées d’être membres du Parti communiste.
« Quelle arrogance »
Des nouvelles de son activité sont données dans le quotidien le 21 avril 1953. Cette fois-ci, il est en tournée européenne avec un certain David Shine, pour épurer les bibliothèques des services américains d’information. Le journaliste Claude Julien revient le 27 juillet 1953 sur ce voyage en Europe, résumé par un sénateur démocrate comme des « bouffonneries de deux gamins pleins de toupet ».
Moins d’une année plus tard, le 15 mars 1954, Henri Pierre raconte comment Roy Cohn met en difficulté son mentor Joseph McCarthy, en manœuvrant pour soustraire David Shine à ses obligations militaires et en accusant l’armée d’abriter des communistes. Le journaliste relève : « Le fait que Cohn se battait comme un lion en faveur de Shine (…) contribue à renforcer les rumeurs sur les relations d’un caractère particulier qui lieraient les deux jeunes éphèbes… »
Cette affaire passionne au point que pendant « plusieurs heures, l’Amérique a travaillé au ralenti parce que des millions de citoyens se sont pressés autour des postes de télévision », pour suivre la commission d’enquête chargée d’arbitrer ce différend entre l’armée et McCarthy. « A côté de l’imposante masse noire de M. McCarthy, M. Roy Cohn, son assistant, fait très frêle et collégien dans son costume clair. La chevelure bien lustrée, la bouche gourmande, le regard alangui à l’orientale sous des sourcils féminins », décrit Henri Pierre, le 24 avril 1954. « Mais il faut voir avec quelle assurance il intervient dans le débat, avec quelle arrogance et quelle impertinence il répond ou pose des questions. »
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