Keir Starmer est de la race des politiciens qui ont de la chance. Le premier ministre du Royaume-Uni, dont la cote de popularité reste médiocre pour un nouveau chef de gouvernement, a remporté les élections législatives début juillet, avant tout grâce à l’implosion des conservateurs en Angleterre, et à la chute des indépendantistes en Ecosse. Et voilà que l’économie, en berne depuis des années, semble lui sourire.
Alors que M. Starmer a fait campagne sur le thème d’un pays à genoux, avec des services publics exsangues et des ménages étranglés par l’inflation, l’économie britannique s’est révélée étonnamment dynamique depuis le début de l’année 2024 : 0,7 % de croissance au premier trimestre, 0,6 % au second trimestre. Sur cette période, c’est légèrement mieux que les Etats-Unis, le double de la zone euro ou de la France, et sans comparaison avec l’Allemagne, le pays malade du moment, dont l’économie s’est contractée au deuxième trimestre.
Pourtant, à écouter M. Starmer, la situation est catastrophique. « Les choses sont bien pires qu’on ne l’avait imaginé », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse mardi 27 août. « Le budget (qui sera présenté en octobre) sera douloureux », a-t-il ajouté. Il a laissé entendre que des hausses d’impôts et des coupes budgétaires seront inévitables. Il a aussi annoncé des restrictions pour certaines allocations sociales et l’annulation de projets dans les transports.
Des chiffres en trompe-l’œil
Une partie de ce paradoxe relève bien sûr de la tactique politique : noircir le tableau en arrivant au pouvoir, afin de mieux blâmer le gouvernement précédent, est une vieille ficelle. Mais les bons chiffres de ce premier semestre sont effectivement en trompe-l’œil. Le Royaume-Uni sort d’une période de stagnation particulièrement longue, plus prononcée que ses voisins. Malgré le rebond du premier semestre, l’économie britannique a progressé de 2,3 % seulement depuis le quatrième trimestre 2019, juste avant la pandémie. C’est nettement moins bien que la France (3,8 %), l’Italie (4,7 %) ou les Etats-Unis (9,4 %). Parmi les pays du G7, seule l’Allemagne fait moins bien.
Les facteurs derrière le ralentissement britannique sont similaires à ceux qui ont frappé l’Europe, mais souvent de façon plus importante. En particulier, le pays était très dépendant du gaz, notamment pour son chauffage, et l’envolée des prix provoquée par la guerre en Ukraine l’a touché de plein fouet. Le Brexit a également accentué les difficultés actuelles, réduisant la reprise du commerce après la pandémie et faisant fuir les investissements des entreprises.
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