- Prokofiev
Invasion
6e et 7e Sonates, Sarcasmes. Sergei Redkin (piano).
Lauréat de grands concours internationaux, le pianiste Sergei Redkin n’a pas encore obtenu, à 31 ans, la reconnaissance que devrait lui valoir sa capacité à renouveler la perception d’œuvres parmi les plus jouées du répertoire, à l’instar des Sonates dites « de guerre » composées par Serge Prokofiev au début des années 1940. La 6e s’ouvre sur un pilonnage du clavier par des mains qui tombent comme des bombes avant de dégager des décombres harmoniques une ligne sur laquelle le pianiste s’avance en funambule. Sergei Redkin s’y montre très personnel. Ses frappes sont assénées avec puissance mais sans brutalité. Leur contrepartie, trouble et irréelle, n’est jamais floue. La clé de son interprétation, magnifiée dans le « Finale », consiste à dépasser les contrastes en inscrivant chaque élément dans une même perspective. Plus humain que Sviatoslav Richter (créateur de cette page tentaculaire), plus sobre que Glenn Gould, Sergei Redkin rappelle Maurizio Pollini, pour son élégante fluidité, mais il paraît vraiment unique dans sa présentation d’un Prokofiev homogène et nuancé. Pierre Gervasoni
Fuga Libera/Outhere Music.
- Nahuel Di Pierro
Fra l’ombre e gl’orrori
Œuvres de Michelangelo Rossi, Claudio Monteverdi, Francesco Cavalli, Antonio Sartorio, Marc’Antonio Zani, Antonio Giannettini, Giovanni Battista Bononcini, Georg Friedrich Haendel, Alessandro Scarlatti, Antonio Vivaldi. Nahuel Di Pierro (basse), Ensemble Diderot, Johannes Pramsohler (violon et direction).
Consacré au répertoire baroque italien pour voix de basse, ce récital rappelle que cette catégorie vocale, généralement assignée à des figures autoritaires de père, souverain ou dieu, n’a jamais participé aux extravagances qui entourent la starification des castrats. Cela n’empêche pas l’abondance de biens, comme le prouve un programme magnifiquement agencé sur le plan dramaturgique offrant un lot passionnant de pièces connues, raretés et inédits. Tour à tour autoritaire et bouleversant, expressif et imprécateur, tendre, désespéré, Nahuel Di Pierro développe un point d’équilibre parfait entre maîtrise et émotion, survolant les difficultés techniques (vocalises étourdissantes, sauts vertigineux, large ambitus) et déployant avec art son legato généreux et d’impressionnants graves abyssaux. Aux côtés du chanteur argentin, l’Ensemble Diderot et son chef et premier violon, Johannes Pramsohler, tout en fougue et délicatesse, se révèlent des partenaires de premier ordre. Marie-Aude Roux
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