Il y a plus de vingt ans, j’avais été convié à un petit déjeuner dans un café réputé de la rive gauche. Des journalistes y avaient rassemblé des avocats, des politiques, des hommes d’affaires, des intellectuels, d’autres journalistes et même quelques juges, pour réfléchir ensemble au devenir commun. Au moment de prendre la parole, un député, futur président de l’Assemblée nationale, avait tourné vers moi son regard sombre pour regretter que les juges aient « déclaré la guerre » aux politiques.
C’était l’époque de l’opération « Mani pulite » [« mains propres »] à la française, quand, au début des années 1990, les juges ont commencé à s’intéresser à la corruption politique. On découvrait les sociétés offshore, les comptes à l’étranger, les paradis fiscaux. Grâce à l’alternance politique et aux cohabitations, des pratiques datant de l’après-guerre étaient mises au jour. Certains hommes politiques, certains patrons, dormaient en prison.
Les « ennemis » d’alors, baptisés selon les cas « petits juges » ou « juges rouges », devaient faire avec les moyens du bord, la coopération internationale était embryonnaire. A supposer qu’il y ait eu guerre, le combat était inégal puisque, si cela prenait quelques secondes pour effectuer un virement Swift, il fallait attendre de longs mois, et l’épuisement de nombreux recours, avant d’obtenir de simples relevés de comptes à l’étranger.
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