Un juge a ordonné, jeudi 27 mars, à l’administration Trump de conserver les messages de la conversation dans laquelle les lieutenants du président américain parlent de frappes militaires à venir dans une spectaculaire faille de sécurité.
L’affaire qui secoue Washington depuis lundi a été révélée par le rédacteur en chef du magazine The Atlantic, Jeffrey Goldberg, intégré par erreur à ce groupe de discussion sur l’application chiffrée Signal, où les plus hauts responsables américains évoquent des opérations contre les rebelles houthistes du Yémen.
Une association de défense de la transparence, American Oversight, a porté plainte, mercredi, contre les éminents membres du tchat – le chef du Pentagone Pete Hegseth, le vice-président des Etats-Unis, J. D. Vance, ou encore patron de la CIA, John Ratcliffe –, les accusant d’avoir contrevenu à l’obligation d’archiver tout document officiel. L’ONG souligne que les messages apparaissant sur les copies d’écran publiées par le magazine contiennent un symbole prouvant qu’ils allaient s’autodétruire au bout d’un certain temps.
A l’issue d’une audience de référé, un juge fédéral a ordonné à ceux qui sont inclus dans la conversation de « faire tout leur possible pour conserver toutes les communications sur Signal du 11 au 15 mars 2025 ».
La première date correspond à la création du groupe par le conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz, et la seconde aux frappes américaines contre les houthistes du Yémen. Durant tout ce temps, le journaliste Jeffrey Goldberg a eu accès aux discussions au plus haut sommet de l’Etat américain sur l’intérêt d’une telle action militaire et ses détails opérationnels.
Conservation déjà en cours
Le juge James Boasberg – déjà vilipendé par Donald Trump pour ses décisions dans une affaire d’expulsions – a également demandé, jeudi, à l’exécutif américain de montrer d’ici à lundi qu’il « a pris des mesures pour une telle conservation ». La représentante de l’Etat a assuré qu’elle « travaillait » déjà avec les ministères « pour préserver les documents qu’ils ont ».
Alors que Donald Trump a estimé qu’il était « scandaleux » d’avoir attribué le dossier au juge Boasberg, celui-ci a rappelé en début d’audience qu’il avait été désigné de manière aléatoire. Le président républicain n’avait pas supporté la décision du juge fédéral de suspendre des expulsions de membres présumés d’un gang vénézuélien, décidées par l’exécutif en vertu d’une loi d’exception utilisée jusqu’alors uniquement en temps de guerre.
L’opposition démocrate, arguant que la vie de soldats américains aurait pu être mise en danger, réclame la démission du ministre de la défense, Pete Hegseth. Mais Donald Trump, qui dénonce une « chasse aux sorcières », a soutenu son ministre. La perspective d’une enquête interne du Pentagone « ne me dérange pas », a-t-il cependant dit, mercredi, à des journalistes. Son chef de la diplomatie, Marco Rubio, a aussi reconnu une « grosse erreur ».
« Nous n’avons jamais nié que c’était une erreur »
Deux sénateurs américains de poids, un démocrate et un républicain, ont justement demandé, jeudi, à l’inspecteur général du Pentagone de « mener une enquête » sur cette stupéfiante faille de sécurité. « S’il est vrai, cet article suscite des interrogations sur l’usage de réseaux non sécurisés pour parler d’informations confidentielles et secret-défense », écrivent les sénateurs Roger Wicker et Jack Reed dans une lettre.
« Nous n’avons jamais nié que c’était une erreur », a déclaré, jeudi, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, rappelant que Mike Waltz avait assumé publiquement sa « responsabilité » pour avoir ajouté ce journaliste dans cette discussion.
Le Monde Mémorable
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Découvrir
Mais il y a peu de chance de voir s’ouvrir une enquête pénale sur l’affaire. La ministre de la justice, Pam Bondi, a assuré qu’il « s’agissait d’informations sensibles mais pas classées secret-défense ». « La mission a été un grand succès. »
Les houthistes affirment que ces frappes américaines, qui visent à mettre un terme à leurs attaques contre les navires empruntant les routes commerciales de la mer Rouge, ont fait une cinquantaine de morts et une centaine de blessés.