La revue des revues. Sur la couverture du numéro 18 de la revue Légende, Simone de Beauvoir (1908-1986), les yeux plantés dans l’objectif de Jack Nisberg, sourit malicieusement. Peut-être a-t-elle conscience que pour le photographe américain, en 1957, comme pour l’équipe de rédaction, en 2025, le défi est immense : comment saisir cette vie et cette œuvre pour les faire tenir en un unique objet ? En l’occurrence, le format « revue » et son approche kaléidoscopique paraissent tout indiqués, tant la figure de la philosophe ne semble pouvoir être saisie que de manière fragmentaire.
Si la biographie et l’œuvre de Beauvoir ont déjà fait l’objet d’innombrables récits, commentaires et analyses, ce numéro réussit l’exploit d’en mettre en lumière des aspects moins connus du grand public. Ainsi de la passion contractée par la jeune professeure pour la randonnée lors de son premier poste en lycée à Marseille, ou de la nature exacte du pacte d’écriture qui la lie à Jean-Paul Sartre. Fidèle à sa formule, Légende lui rend hommage en convoquant de « grandes signatures », de l’historienne Michelle Perrot à la philosophe américaine Judith Butler en passant par la romancière Annie Ernaux, qui permettent de souligner le rôle crucial joué par son travail d’analyse de l’assujettissement des femmes.
Accusations en hypocrisie et en misogynie
Le mythe, pourtant, est tombé. A l’époque, déjà, l’attitude de Beauvoir et de Sartre lors de la seconde guerre mondiale avait suscité de nombreuses critiques, et plus encore leur aveuglement face aux crimes de l’URSS. La publication de la correspondance de Sartre (Lettres au Castor, 1983), puis de celle de Beauvoir (Lettres à Sartre, 1990), et leur lot de révélations sur le quotidien du couple littéraire avaient conduit à des accusations en hypocrisie et en misogynie.
A l’ère de #MeToo, comme le souligne l’article de la journaliste Emma Flacard « Que reste-t-il de Beauvoir ? », les relations entretenues par Simone de Beauvoir, alors jeune professeure, avec plusieurs de ses élèves mineures interdisent toute sacralisation ; tandis que sur le plan théorique, le projet féministe a fait du chemin, notamment avec les études de genre et intersectionnelles.
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