L’acharnement d’Israël à détruire Gaza ne faiblit pas. Le bilan humain dépassera bientôt le chiffre effarant de 60 000 morts, parmi lesquels des milliers d’enfants. Des dizaines de milliers d’autres Gazaouis, blessés, estropiés, porteront dans leur chair, leur vie durant, la marque de bombardements indiscriminés. Une génération entière à laquelle ces colonnes ont rendu le seul hommage possible en lui donnant un visage, celui de jeunes Palestiniennes et Palestiniens fauchés par les bombes dans le café Al-Baqa, n’aura connu de l’Etat hébreu qu’un blocus impitoyable et un usage disproportionné de la force de la part de son armée. Cette dernière finit de perdre dans ce siège hors d’âge ce qui lui restait de valeurs.
L’argument des otages est tombé de lui-même lorsque Israël a mis fin unilatéralement à un cessez-le-feu qui permettait enfin à des dizaines d’Israéliens capturés le 7 octobre 2023 de recouvrer la liberté. Le prétexte de l’éradication du Hamas est usé jusqu’à la corde. Avec cette guerre sans fin de Benyamin Nétanyahou et le refus de ce dernier d’envisager un « jour d’après », auxquels s’ajoutent les violences des colons extrémistes de Cisjordanie, le mouvement islamiste, pourtant laminé, ne cesse de compenser idéologiquement ce qu’il perd militairement.
A la violence débridée des armes, dans ce territoire étranglé par Israël, s’est ajoutée la scandaleuse manipulation israélo-américaine de l’aide humanitaire, dénoncée par tous les spécialistes des situations d’urgence. Les distributions dramatiquement insuffisantes et chaotiques de nourriture, accompagnées de bains de sang, ont produit comme résultats la famine et la soif, ainsi que la mort pour des bouchées de pain.
Ce bilan terrifiant n’a rien d’accidentel, il est le sous-produit du projet de remodelage du Proche-Orient par l’Etat hébreu que permet son hégémonie militaire garantie par les Etats-Unis. Le droit international et humanitaire violé à chaque instant, les crimes de guerre banalisés en procèdent. Ils constituent les nouvelles normes que Benyamin Nétanyahou entend imposer.
Les pays révulsés par cette stratégie délibérée et par le projet de rendre Gaza littéralement invivable sont placés devant une alternative. Se contenter comme par le passé d’admonestations sans conséquence témoigne soit de l’incompréhension complète de ce qui se joue actuellement dans l’étroite bande de terre, c’est-à-dire la menace d’un nettoyage ethnique, soit d’un service minimum guidé par la faiblesse. Le piètre exercice de réexamen par les Européens de l’accord d’association avec Israël n’a rien produit d’autre.
L’Etat hébreu ayant épuisé depuis longtemps le droit légitime à se défendre qui lui avait été reconnu après l’épouvantable attaque terroriste du 7-Octobre, le courage commande désormais un rappel à l’ordre traduit par des actes à la hauteur du carnage en cours. Les moyens pour se faire entendre et être enfin pris au sérieux existent. Il s’agit de sanctions, politiques, diplomatiques, économiques ou culturelles. L’expression de ce courage permettrait de rompre enfin avec le deux poids, deux mesures devenu intenable.
Un tel renoncement à cette routine n’est pas aisé. Les voix ne manquent pas, déjà, pour faire en sorte que la lâcheté, une nouvelle fois, reste la règle. Agir ou se taire et regarder ailleurs : le choix n’a jamais été aussi clair.