Lorsque les étés sont secs, les agriculteurs voudraient bien connaître le volume d’eau restant dans les sols. Et, en cas de pluie, la quantité qui sera stockée. Une équipe américaine de l’Institut californien de technologie (Caltech) vient de proposer une méthode originale pour obtenir ces réponses sans déployer de capteurs particuliers sur le terrain et sans recourir aux satellites, qui fournissent de telles indications mais pour de faibles profondeurs.
La méthode, exposée dans Nature Communications, le 5 août, utilise le trafic routier et des fibres optiques de communication enterrées dans leur zone de test, en Californie, dans le nord du désert de Mojave. « Cette fibre de 10 kilomètres avait déjà été utilisée pour suivre les contrecoups du violent séisme de Ridgecrest en 2019. Mais nous avons compris que les données pouvaient aussi servir pour obtenir des informations sur la teneur en eau des sols. Il nous a fallu quatre ans pour le démontrer », révèle Zhichao Shen, premier auteur de l’étude.
L’utilisation de fibre optique comme capteur sismique n’est pas nouvelle. L’industrie pétrolière s’en sert pour contrôler les perturbations du sol et les géologues surveillent ainsi des volcans ou de grandes zones sismiques. La technique tire profit de phénomènes optiques subtils. La propagation de la lumière dans le mince canal en verre n’est pas parfaite ; de microscopiques défauts réfléchissent une partie de la lumière, tels des miroirs. En envoyant des impulsions courtes de lumière, et en comparant les corrélations des réflexions sur deux « miroirs », il est possible de savoir comment le sol, dans lequel est enterrée la fibre, a bougé. « Cela transforme une fibre optique en milliers de capteurs sismiques qui mesurent la déformation le long de la fibre », résume Destin Nziengui Bâ, qui vient de soutenir une thèse sur le sujet à l’université Grenoble-Alpes.
Jusqu’à 20 mètres de profondeur
En outre, la méthode est ici « passive » car les « tremblements » de terre mesurés sont ceux dus essentiellement au trafic routier. Ainsi, les chercheurs connaissent les vitesses de propagation des ondes sismiques dans le sol jusqu’à 20 mètres de profondeur. Ils appliquent ensuite un modèle – développé en 2021 notamment par Damien Jougnot, chercheur CNRS à Sorbonne Université – qui relie cette vitesse à la teneur en eau des sols. Plus il y a d’eau, plus les ondes sismiques sont ralenties.
Résultat : sur les deux ans et demi d’observation, le désert a perdu, par évapotranspiration, l’équivalent de 25 centimètres de hauteur d’eau par an, quand il n’en a gagné que 5 cm grâce aux pluies. « Ces résultats sont convaincants et ouvrent de nouvelles voies pour l’utilisation des fibres dans les études environnementales, notamment relativement au contenu en eau de la zone dite non saturée », écrit Damien Jougnot dans son rapport de relecture pour la revue. « C’est une méthode complémentaire aux autres », complète Michel Campillo, professeur émérite de l’université Grenoble-Alpes. Elle peut se déployer rapidement, à faibles coûts.
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