Le 21 juin 2019, Evaëlle, 11 ans, a été retrouvée pendue aux barreaux de son lit.
La justice suspecte que la jeune fille ait été harcelée dans son collège par des camarades de classe, mais aussi par sa professeure de français.
Cette dernière, âgée aujourd’hui de 62 ans, est jugée lundi et mardi devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour « harcèlement sur mineur ».
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Le fléau du harcèlement scolaire
Un drame qui a bouleversé la France. Quatre ans et demi après le suicide d’Evaëlle, collégienne âgée de 11 ans retrouvée pendue à son lit le 21 juin 2019 au domicile familial d’Herblay (Val-d’Oise), son ancienne professeure de français doit être jugée lundi 10 et mardi 11 mars devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour « harcèlement sur mineur ».
La prévenue, aujourd’hui âgée de 62 ans, avait aussi été poursuivie pour « homicide involontaire » mais a bénéficié d’un non-lieu à l’issue de l’instruction. La juge avait estimé qu’il n’était pas « possible de déterminer les éléments précis ayant conduit à son décès » car la pré-adolescente avait été confrontée à de nombreuses difficultés, notamment relationnelles, les jours précédant son décès. Six mois avant sa mort, l’adolescente avait également tenté de mettre le feu à une poutre de la maison après une rupture amicale.
Evaëlle a été retrouvée pendue à son lit
Depuis l’entrée d’Evaëlle en sixième au collège Isabelle Autissier d’Herblay en septembre 2018, les problèmes s’étaient multipliés pour elle, déjà victime de brimades en primaire. Au-delà du comportement insultant et violent de camarades, elle faisait face à des tensions avec son enseignante de français.
Aujourd’hui, il est reproché à cette dernière d’avoir « humilié régulièrement » Evaëlle devant sa classe, de l’avoir « isolée au fond » et d’avoir organisé « des heures de vie de classe portant sur le harcèlement scolaire au cours desquelles elle l’a stigmatisée comme étant victime de harcèlement par ses camarades et l’a contrainte à répondre aux questions de ceux-ci ». L’ensemble de ces comportements ont eu « pour effet une dégradation très importante des conditions de vie de la jeune fille qui s’isolait de plus en plus », écrit la juge.
« J’aimerais rappeler que je ne suis pas mise en cause dans le décès d’Evaëlle. On me reproche des supposés faits de harcèlement moral, que je conteste. J’ai adoré mon métier, je l’ai exercé avec passion. C’est difficile d’être incriminée de la sorte. J’espère que ma parole sera entendue par le tribunal », a réagi l’enseignante dans une déclaration transmise par son avocate Marie Roumiantseva.
Selon les élèves, Evaëlle était une cible récurrente de la professeure
Depuis 2021, l’enseignante ne peut plus faire cours à des mineurs et a une obligation de soins psychologiques. Son dossier administratif fait état d’une « professeur expérimentée, sérieuse et dynamique » mais l’enquête a brossé un autre portrait.
La majorité des élèves interrogés ont en effet rapporté qu’Evaëlle était une cible récurrente de la professeure, qui lui criait dessus et l’isolait au fond de la classe. L’enseignante est également mise en cause pour avoir harcelé deux autres collégiens. Elle a obtenu un non-lieu pour une quatrième élève.
Quant aux trois adolescents poursuivis pour avoir harcelé Evaëlle, deux d’entre eux ont été renvoyés devant le tribunal pour enfants, pour harcèlement sur mineur.
« Les parents sont déterminés à ce qu’il n’y ait plus jamais d’affaire Evaëlle », a déclaré à l’AFP leur avocate Delphine Meillet. « L’espoir de ce procès est de pouvoir établir les défaillances multiples de l’institution à trois égards », a-t-elle poursuivi, évoquant une défaillance institutionnelle du collège, une défaillance administrative et une défaillance législative, palliée depuis.
Depuis une loi de mars 2022, le harcèlement scolaire est reconnu comme un délit.
En février 2019, les parents d’Evaëlle avaient porté plainte contre des élèves et retiré leur fille du collège. Celle-ci était depuis suivie par un psychologue mais elle avait fait face à un nouveau comportement violent dans son nouveau collège.
L’Éducation nationale a indemnisé la famille au titre du préjudice moral, selon le rectorat de Versailles, en échange de l’abandon d’éventuelles poursuites envers l’État.