Entre Castres et Toulouse, zone de la future autoroute, trois lieux sont occupés par des militants, dont un terrain à Verfeil (Haute-Garonne).
Sur place, Alexandra, son compagnon et leur jeune fils vivent dans une maison vendue à Atosca, le concessionnaire de l’autoroute, et doit être détruite.
Mais la locataire juge insatisfaisantes les propositions de relogement. Un juge doit statuer sur le sort de la famille.
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Entre Toulouse et Castres, la future autoroute A69 divise
Depuis le début du projet de construction de l’A69 devant relier Castres à Toulouse, le concessionnaire Atosca a toujours maintenu son calendrier, avec une mise en service fin 2025, et ce, malgré les nombreuses oppositions. Mais sur la route des tractopelles et autres engins de chantiers se dresse un obstacle : une maison, située à Verfeil, actuellement occupée par des locataires. Il s’agit d’Alexandra et de sa famille : son compagnon et son jeune fils, qui a fêté ses quatre ans cet été.
Le terrain de 8000 mètres carrés et la maison de 180 mètres carrés ont été vendus à Atosca par leur propriétaire. Le concessionnaire possède désormais les lieux. Il prévoit de couper les arbres présents sur le terrain et de détruire le bâtiment, pour laisser passer l’autoroute. D’autres maisons situées sur le tracé ont fait l’objet de ce type de tractations et locataires, propriétaires, concessionnaire ont trouvé un terrain d’entente.
Alexandra vit sur ce terrain depuis onze ans
Sauf à Verfeil, dernière maison qui résiste à Atosca, et sur le terrain de laquelle se sont installés depuis quelques mois des « écureuils », ces militants qui s’opposant à l’A69. « Nous vivons ici depuis le 1ᵉʳ novembre 2013, raconte à TF1Info Alexandra, la locataire de la maison. On a su en décembre 2021 que le terrain allait être vendu, mais pendant un an, nous n’avons eu aucune nouvelle. »
Son propriétaire a signé la vente à Atosca le 13 mars 2023. La quadragénaire reçoit de son côté un courrier du concessionnaire lui proposant 6000 euros pour déménager, rapporte-t-elle.
Je bénéficie toujours du droit de jouissance de ma maison et de mon terrain, je peux accueillir qui je veux.
Je bénéficie toujours du droit de jouissance de ma maison et de mon terrain, je peux accueillir qui je veux.
Alexandra, locataire de la maison de Verfeil
« À l’époque, j‘avais peur qu’ils viennent couper des arbres qui ont pour certains 80 ans et puis heureusement, les premiers écureuils sont arrivés le 27 mars« , se souvient Alexandra. Elle accueille les militants et leur réserve même le garage situé au rez-de-chaussée de sa maison et dans lequel ils aménagent un campement. Des tentes sont aussi installées sur le vaste terrain et ils sont une petite dizaine à y vivre depuis. « Je bénéficie toujours du droit de jouissance de ma maison et de mon terrain, je peux accueillir qui je veux« , se défend Alexandra.
Les choses ont failli mal tourner mi-août quand un incendie volontaire s’est déclaré sur le terrain. « Vers 3h30 du matin, on a entendu des cris et on a vu les flammes par la fenêtre« , raconte Alexandra. Nombreux sur place, car un spectacle était organisé le soir même, les militants parviennent à éteindre les flammes avant l’arrivée des pompiers. Les forces de l’ordre découvrent alors des engins incendiaires. Une enquête a été ouverte pour des faits de « dégradation par incendie« .
Des propositions de relogement refusées
Fin juin, Alexandra a reçu un courrier d’huissier lui demandant de se positionner sur les propositions de relogement faites par Atosca, faute de quoi une procédure d’expulsion serait enclenchée. « On m’a proposé d’être relogée en logement HLM, assure Alexandra. Aujourd’hui, j’ai un grand terrain, des animaux et on me propose un appartement HLM ? C’est hors de question. Oui, je souhaite être relogée avec ma famille, mais aussi avec mes animaux !«
La quadragénaire assure avoir été « victime » de pressions extérieures, décrivant notamment des « intrusions de vigiles« , la présence « bruyante » de camions de chantier qui « avancent et reculent toute la journée pendant les vacances scolaires » et des « coupures Internet« .
De son côté, Atosca dit avoir fait, via son prestataire foncier, deux propositions de relogement à la famille : un « relogement à titre gracieux, sans loyer et sans limite de temps, dans une maison avec jardin acquise par Atosca à Montcabrier [dans le Lot, à 15km de Verfeil] et non vouée à la démolition » ou « le versement d’une indemnité globale de 20.000 euros pour gérer elle-même son relogement« .
« Madame Alexandra D. a refusé ces deux propositions« , explique Atosca, précisant que la locataire a fait des demandes géographiques précises par courrier. « En coordination avec les services de la préfecture de Région et les services sociaux du Conseil Départemental de Haute-Garonne, les bailleurs sociaux se sont mobilisés afin de proposer des solutions de relogement compatibles avec les souhaits de Madame Alexandra D.« , défend encore le concessionnaire.
De même source, de « nouvelles propositions adaptées à ces demandes lui ont été présentées » jeudi. « Des bailleurs sociaux m’ont proposé des petites maisons, mais c’est Atosca qui doit me reloger, répond Alexandra, qui dit attendre la décision d’un juge sur son éventuelle expulsion. C’est à eux de faire le boulot. Mon premier fils a grandi ici, j’ai rencontré le papa de mon second ici. Le petit est né ici. J’ai mes animaux enterrés sur la propriété. » En arrêt maladie après un accident de travail, elle confie craindre un licenciement pour inaptitude et une situation complexe à venir.
Atosca évoque de son côté « de grandes difficultés de communication avec l’occupante » et n’hésite pas à décrire les lieux comme « un camp retranché » depuis que les militants sont arrivés en mars dernier. « Nous déplorons que cette famille soit dès lors sous l’emprise d’individus qui, occupant les lieux, utilisent la situation sociale d’une mère et de son jeune enfant pour s’opposer à la construction de l’autoroute A69 et justifier, en les maintenant sous emprise dans la maison de Verfeil, leur occupation illicite du secteur« , conclut le concessionnaire.
Une vision qui ne correspond pas à celle d’Alexandra : « Je n’accepte pas les pressions subies, les remarques d’Atosca sur mon compagnon et sur mon fils et je ne suis manipulée par personne. Je ne suis pas là pour faire des problèmes, je veux juste être relogée dans les mêmes conditions et que mon fils retrouve un cadre de vie normal. » Un juge doit désormais trancher.