Des airs de rock indépendant, deux albums en moins d’un mois et plusieurs millions d’écoutes sur Spotify : c’est le succès éclair du groupe The Velvet Sundown, qui après avoir attiré la suspicion des auditeurs, a fini par confirmer que ses morceaux étaient générés par intelligence artificielle (IA). Sur la plateforme de streaming musical, le groupe se définit désormais comme « un projet de musique synthétique guidé par une direction artistique humaine ». « Pas tout à fait humain. Pas tout à fait machine. The Velvet Sundown vit quelque part entre les deux », complète le compte X.
Le suspense était mince. De nombreux auditeurs avaient deviné, bien avant que le « groupe » ne l’assume, qu’il s’agissait de musique artificielle : rythme de publication effréné, présence minime en ligne et, surtout, utilisation systématique de l’IA générative pour tous les textes et illustrations. « Toutes les images du groupe hurlent Midjourney », écrivait ainsi le magazine Vice dès le 2 juillet. La plateforme de streaming Deezer prévenait déjà, sur la page du groupe, que « certains morceaux de cet album peuvent avoir été créés à l’aide de l’intelligence artificielle ».
De fait, selon plusieurs sites spécialisés, les morceaux de The Velvet Sundown semblent avoir été générés par l’IA Suno. En étant inclus dans des playlists très écoutées de Spotify, ils auraient été valorisés par l’algorithme de l’application et présentées à de nombreux auditeurs.
La confusion entretenue par un imposteur
Ironie de l’histoire : c’est parce que d’autres personnes – des humains bien réels cette fois – se sont fait passer pour eux que The Velvet Sundown a fini par reconnaître son origine synthétique. Le 29 juin, alors que le « groupe » n’a quasiment aucune présence sur les réseaux, un compte X à son nom apparaît et poste un thread : « C’est absolument fou que des soi-disant journalistes continuent de promouvoir la théorie paresseuse et sans fondement selon laquelle The Velvet Sundown est généré par IA, sans aucune preuve. » Le profil X multiplie ensuite les messages en répétant systématiquement que le groupe n’a jamais utilisé d’IA.
En parallèle, un autre compte est créé sur le même réseau social. Affilié au compte Spotify du groupe, il affirme que le premier est un usurpateur. Trop tard : le premier profil a déjà beaucoup plus de visibilité et plusieurs médias, dont le Washington Post, Vanity Fair et The Observer, en contactent le propriétaire. Le 2 juillet, le magazine Rolling Stone publie une interview d’une personne se présentant sous le pseudonyme d’Andrew Frelon, qui serait un « porte-parole du groupe viral généré par IA ». « C’est du marketing, du troll. Avant, les gens ne se préoccupaient pas de ce qu’on faisait et, maintenant, nous parlons à Rolling Stone », explique-t-il. Dans la presse francophone, l’information est notamment reprise par la RTBF.
Le lendemain, Andrew Frelon annonce être un imposteur. Il explique avoir choisi son nom en référence à « un ennuyant insecte, qui avait l’air d’être une mascotte appropriée » et raconte avoir été intrigué par The Velvet Sundown, après avoir échoué à la création d’un projet similaire, un an auparavant.
Contrairement à « Andrew Frelon », le compte X associé au profil Spotify du « groupe » ne semble jamais avoir vraiment contesté les accusations d’utilisation d’IA. Dès le 1er septembre, il ironisait : « ils nous accusent de ne pas être réels. Peut-être que vous ne l’êtes pas non plus », en annonçant la sortie à venir de leur troisième album. La déferlante médiatique ne semble en tout cas pas avoir perturbé son ou ses créateurs, dont on ne connaît toujours pas l’identité : le 9 juillet, The Velvet Sundown a publié son dernier single, Reflections in the Glass Hour.