NETFLIX – À LA DEMANDE – MINISÉRIE
Dans le tout-venant des productions Netflix jolies à regarder et « aussitôt vues, aussitôt oubliées », il y a parfois un film, une série, qui se détachent par l’énergie qu’ils dégagent, la profondeur d’un personnage ou, simplement, sa façon de gratter là où ça fait mal. Sans se départir des codes du genre, The Madness fait partie de ces séries qui prennent le spectateur par le col pour ne le lâcher que plusieurs heures plus tard, un peu plus réveillé qu’il ne l’était au premier épisode.
Dans la foulée de Rebel Ridge, film au thème très similaire et succès inattendu sur Netflix, la plateforme livre avec The Madness une variation efficace sur Le Fugitif (Andrew Davis, 1993), sous la forme d’un thriller paranoïaque nourri des questionnements et des inquiétudes de l’Amérique d’aujourd’hui. A quelques semaines du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, le portrait que dresse la série, créée par le dramaturge Stephen Belber, fait froid dans le dos.
On y suit la quête de justice d’un homme noir − forcément beau et charismatique, puisque c’est Colman Domingo qui s’y colle −, journaliste en vue chez CNN qui, à la faveur d’un séjour à la campagne, se retrouve à la fois témoin du meurtre d’une figure de l’extrême droite et son principal suspect. Persuadé d’avoir été piégé, Muncie Daniels croit pourtant être à même de démasquer les commanditaires du meurtre.
Traquenard tentaculaire
Le complot dont il est victime trahit les dérives les plus inquiétantes de la fabrique de l’opinion politique américaine. Fermes à trolls, délires de la mouvance d’extrême droite alt-right, complotisme, lâcheté des institutions (un agent du FBI pugnace sera par la suite désavoué par sa hiérarchie) et déstabilisation électorale… Le traquenard dans lequel est tombé Muncie se révèle tentaculaire, et teinté d’un racisme dont la série nous rappelle les fondements, à travers le passé familial du héros et ses accointances dans les quartiers nord, noirs et pauvres, de Philadelphie, où il a grandi.
The Madness a beau épouser l’élégance de son interprète principal, elle aborde aussi son personnage avec une finesse inhabituelle, en faisant de lui un père contrarié. Séparé de la mère de son fils adolescent, Muncie renoue avec Kallie, la fille qu’il n’a pas élevée. Leur relation, pavée de non-dits et de zones d’ombre, est l’une des grandes délicatesses de la série, moins intéressante dans ses ramifications purement sentimentales − on sait très bien qu’il retrouvera sa femme à la fin. Plus attendrissante est la façon dont la famille, fragilisée par la désinvolture de Muncie, se recompose sous l’impulsion d’un père prêt à beaucoup de choses, y compris à se livrer à la police, pour pouvoir regarder ses enfants en face.
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