En Martinique, lundi 19 août, la frégate Ventôse rentre au port de Fort-de-France. Le bâtiment de guerre des Forces armées aux Antilles (FAA) ne revient pas seul : à ses côtés, un navire de pêche d’une vingtaine de mètres, à la peinture blanche défraîchie, battant pavillon brésilien. Le trophée massif que constituait sa cargaison est exposé sur le quai du fort Saint-Louis, réparti dans environ 300 ballots, disposés sur une trentaine de palettes : 10,5 tonnes de cocaïne.
C’est, à une demi-tonne près, la quantité totale saisie par la France dans toutes les Antilles sur l’ensemble de l’année 2023. En 2022, les saisies de cocaïne effectuées dans ces territoires s’élevaient à près de 1,2 tonne et les saisies dans les ports de commerce de l’Hexagone en provenance des Antilles avaient atteint 6,7 tonnes sur la même période.
Les neuf passagers du navire – six Brésiliens, deux Vénézuéliens et un Colombien – ont été remis aux policiers de l’Office antistupéfiants (Ofast), qui vont poursuivre les investigations. Quelques jours plus tôt, ce sont eux qui ont fourni l’information qui a déclenché la mission d’interception, à 1 200 kilomètres des côtes martiniquaises. Pour y aboutir, leurs renseignements ont dû circuler entre plusieurs services et différents pays. « C’est un gros travail de croisement et d’exploitation des renseignements qui finit par payer, raconte la procureure de la République de Fort-de-France, Clarisse Taron. Il n’y a pas que la France qui est touchée par l’importation de cocaïne, tous les ports d’Europe de l’ouest le sont, donc beaucoup de pays travaillent avec nous dans cette zone des Antilles. »
Un pot commun de renseignements
Dans son rapport sur « l’état de la menace », révélé par Le Monde en février 2024, l’Ofast soulignait que les îles caribéennes positionnées au plus près des pays de production sud-américains et situées sur des routes historiques du transport maritime mondial constituaient l’un des premiers espaces de transit de la cocaïne. L’office précisait que « les ports de Fort-de-France en Martinique et le complexe [logistique et industriel] de Jarry en Guadeloupe représentent ainsi des lieux de rebond privilégiés ».
Pour enclencher cette coopération, l’Ofast a partagé ses informations avec le centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants, ou MAOC-N. Créé en 2007 et financé par la Commission européenne, il centralise et partage le renseignement produit par ses membres – France, Irlande, Italie, Espagne, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et, depuis 2024, Allemagne et Belgique. A Lisbonne, son siège rassemble des officiers de liaison des différents pays, policiers et militaires, afin de faciliter les échanges entre pays aux cadres législatifs et méthodes de renseignement différents.
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