- Esquivant des contrôles resserrés dans les ports européens, le trafic de cocaïne emprunte de plus en plus la voie routière depuis l’Espagne.
- Les saisies sont notamment « exponentielles » en Nouvelle-Aquitaine, symbole pour les enquêteurs d’un nouveau mode opératoire du narcobanditisme.
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La France en proie au narcotrafic
Des chiffres préoccupants. Selon l’Office antistupéfiants (Ofast), les quantités de cocaïne saisies par les autorités françaises, Marine nationale comprise, ont déjà dépassé le record de 2024. Plus de 70 tonnes ont ainsi été saisies entre janvier et septembre contre 54 sur toute l’année dernière et 23 la précédente, déjà un record à l’époque. Or, le trafic emprunte une nouvelle voie d’accès : les routes venant d’Espagne.
« On a une réorientation logistique vers la façade atlantique via la côte ibérique »
, déclare à l’AFP le commissaire divisionnaire Jean-René Personnic, patron du service interdépartemental de la police judiciaire (SIPJ) de Bordeaux, qui évoque un « afflux massif ».
« On a fait de très grosses saisies de cocaïne, qui me laissent penser qu’on a peut-être un changement de flux »,
confirme le général Tony Mouchet, commandant de la région de gendarmerie de Nouvelle-Aquitaine. Même si les ports restent l’accès privilégié de la cocaïne (78% des prises françaises en 2024), les douanes soulignent n’avoir « jamais saisi autant de cocaïne sur la route ».
« Croissance exponentielle du trafic »
Cette mutation s’explique par des « mesures de sécurité renforcées »
dans des ports comme Le Havre, Anvers ou Rotterdam, qui ont poussé les organisations criminelles à « modifier leur mode opératoire »
, analyse Corinne Cléostrate, sous-directrice des affaires juridiques et de la lutte contre la fraude au sein des douanes françaises.
À Bordeaux, le parquet de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) confirme une « croissance exponentielle du trafic de cocaïne entre l’Espagne et la France par voie terrestre ».
De janvier à septembre, les douaniers ont saisi près de 1,8 tonne de cocaïne en Nouvelle-Aquitaine (contre 37 kg en 2023 et 360 kg en 2024), dont 600 kg à un péage dans deux camions arrivant d’Espagne et 772 kg dans une cache aménagée à bord d’un poids lourd à la fin de l’été.
« Caches aménagées très sophistiquées »
Corinne Cléostrate décrit des « caches aménagées très sophistiquées »
dans des poids lourds, utilitaires et fourgonnettes, d’un niveau d’usinage « impressionnant ».
En France, la demande de cocaïne n’a jamais été aussi forte : 1,1 million de personnes en ont consommé au moins une fois en 2023, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives. Le prix au gramme, en outre, a baissé: 58 euros en 2024 contre 66 euros en 2023, d’après l’Ofast, accroissant la concurrence parmi les bandes criminelles.
Et cet afflux « considérable »
de poudre blanche s’observe sur les points de deal à Bordeaux: « Là où on saisissait auparavant très majoritairement du cannabis, aujourd’hui, nous avons autant de cocaïne que de cannabis »,
confirme le procureur Renaud Gaudeul. « Pour la première fois, depuis le début de l’année, nous avons eu plus de morts sur la route à cause des stupéfiants qu’à cause de l’alcool ici en Gironde »,
déplore le magistrat.












