Les diplomates de 184 pays n’ont plus que quelques heures jeudi pour tenter de forger à l’arraché un texte commun qui établirait un premier traité international de lutte contre la pollution plastique, après le rejet massif, mercredi, d’un projet de texte de synthèse. Les débats en séance plénière à Genève mercredi autour d’une proposition de synthèse maladroite d’une dizaine de pages se sont déroulés dans une grande confusion.
Un seul grand pays, l’Inde, a finalement accepté ce texte comme base de discussion, alors qu’il a massivement été jugé « déséquilibré » et « inacceptable » pour préserver les générations à venir par des dizaines d’autres pays, ainsi que par les ONG (organisation non gouvernementale) environnementales observatrices du processus.
Cate Bonacini, de l’ONG suisse CIEL, a néanmoins estimé qu’il y a « toujours une chance de voir émerger un nouveau texte jeudi ». La ministre de la transition écologique française, Agnès Pannier-Runacher, venue participer aux débats à Genève, a estimé qu’il était « possible d’écrire un texte d’une dizaine de pages plus équilibré ».
Fin des négociations à minuit
La fin des négociations est prévue jeudi à minuit, et pourrait déborder dans la nuit jusqu’à vendredi si les diplomates étaient en voie de parvenir à un texte commun. Poussés par une résolution des Nations unies de 2022, cela fait près de trois ans qu’ils tentent de forger un texte « juridiquement contraignant » pour les Etats qui s’attaque à la pollution plastique, y compris en milieu marin.
Mais sous l’œil des représentants des industries pétrochimiques présents dans les couloirs et opposés à toute coercition concernant le volume de production de plastique dans le monde, ils ont déjà échoué une fois à produire un texte commun lors de la dernière séquence de négociations, à Pusan, en Corée du Sud, fin 2024. Cette nouvelle séquence diplomatique, entamée à Genève depuis le 5 août, était censée permettre d’aboutir enfin à un texte commun.
La prise de conscience de la pollution grandissante du plastique a débuté avec des images spectaculaires des océans et de la faune marine affectés. Par ailleurs, la multiplication des travaux scientifiques sur l’impact des polymères et additifs chimiques sur la santé a fait évoluer le débat du côté de la santé humaine. Une coalition de plusieurs centaines de scientifiques de nombreux pays suit ces négociations.
Moins de 10 % de recyclage
Car la planète a produit plus de plastique depuis 2000 que durant les cinquante années précédentes, en majorité des produits à usage unique et des emballages. Et la tendance s’accélère : si rien n’est fait, la production actuelle, de quelque 450 millions de tonnes par an, devrait tripler d’ici 2060, selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Or moins de 10 % sont recyclés.
Le projet de traité proposé mercredi « ne faisait que s’assurer que rien n’allait changer », estime David Azoulay, de l’ONG CIEL. « Il se rend aux Etats pétroliers et aux demandes de l’industrie avec des mesures faibles, non obligatoires, qui garantissent que nous continuerons à produire de plus en plus de plastique, sans fin, mettant en danger la santé humaine, l’environnement et les futures générations », ajoute-t-il.
De plus, comme le demande l’industrie, « tout est relégué au niveau national, le texte ne crée aucun espace de coopération internationale pour lutter contre la pollution plastique », a aussi critiqué le délégué chilien en séance.