« Tressaillir », de Maria Pourchet, Stock, 324 p., 21,90 €, numérique 16 €.
On ne refait pas sa vie, on la défait. Dans Tressaillir, Maria Pourchet pose la rupture amoureuse comme déliquescence totale. Après la passion adultérine (Feu, Fayard, 2021) et les complexités du désir et de la rencontre (Western, Stock, 2023), la romancière sonde le gouffre qui s’ouvre quand le lien n’est plus. Celle qui sombre à pic, c’est Michelle Darras, autrice de livres pour enfants, qui vient de quitter brutalement Sirius, le père de sa fille. Mais le soulagement attendu ne dure que le temps de boucler sa valise. Aussitôt exilée dans un hôtel parisien de son quartier, elle bascule dans la « viscérale terreur d’être seule » et la dépression : « Partir c’est pour la galerie. En vérité, on s’arrache (…). Et la différence entre partir et s’arracher, c’est que l’un des verbes est une boucherie. »
Si le couple est le lieu du malentendu et des attentes insatisfaites, la rupture l’est parfois tout autant. On pense prendre un nouveau départ, vivre sa meilleure vie, avoir du temps pour soi grâce à la garde alternée, respirer, être libre. Maria Pourchet torpille, et c’est jouissif, ce discours convenu, mais aussi le « mythe de l’échec enrichissant » ou l’injonction à l’indépendance absolue, érigée en totem de l’émancipation féminine. « La liberté qui me gagne est un supplice », songe Michelle, qui perd beaucoup – son appartement, son argent, sa santé – et qui, loin de progresser, régresse. En partant, elle redevient la petite fille pétrifiée par la peur qu’elle était durant son enfance et son adolescence dans les Vosges. La voilà, telle qu’elle se décrit elle-même, « biche » fragile, menacée et perdue dans les obscures « forêts » de sa région d’origine. Cette métaphore par laquelle elle symbolise régulièrement ses angoisses archaïques confère alors au texte l’atmosphère d’un conte de Grimm.
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