La tension est montée au Palais Bourbon, mercredi 9 avril, des jardins à l’Hémicycle. Des journalistes du média identitaire Frontières ont été exfiltrés par les services de l’Assemblée mercredi 9 avril lors d’un rassemblement de soutien à des collaborateurs parlementaires de La France insoumise (LFI), tenu au sein de l’institution en présence de plusieurs députés pour protester contre un article de ce média.
L’article, dont le titre est « LFI le parti de l’étranger », affirme avoir pour but de « questionner la cohérence entre les valeurs affichées par LFI et les pratiques de son écosystème ». Il y figure les noms de plusieurs collaborateurs parlementaires de députés « insoumis ». Ces derniers sont ainsi exposés « à la vindicte et à la menace », a dénoncé le Parti socialiste. Frontières place « des cibles sur nos collaborateurs et collaboratrices », a accusé la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot.
Trois journalistes du média Frontières accrédités à l’Assemblée – Louise Morice, Jordan Florentin (de son vrai nom Jordan Da Rocha) et David Alaime – ont été identifiés lors du rassemblement de soutien, organisé dans les jardins, à deux pas de la salle des Quatre Colonnes, à l’appel notamment de la CGT, suscitant une montée de tension. Sur une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, un élu communiste, Jean-Paul Lecoq, semble essayer d’écarter ou abaisser le téléphone de l’un d’eux. Une autre vidéo montre les députées socialistes Claudia Rouaux et Ayda Hadizadeh cherchant à prendre la place de ces journalistes sur le perron où ils se trouvaient, face aux manifestants.
« Frontières, casse-toi, l’Assemblée n’est pas à toi », ont lancé certains manifestants. Les journalistes de Frontières « étaient en train de filmer des gens, les collaborateurs. C’était le loup dans la bergerie, c’était choquant », a déclaré à l’Agence France-Presse le député socialiste Arthur Delaporte.
Les trois journalistes ont ensuite été exfiltrés.
Ils étaient sur place « pour couvrir l’événement », a déclaré leur média dans un communiqué diffusé sur X, annonçant « porter plainte » et être accompagnés par l’avocat Gilles-William Goldnadel. Ils ont été « pris à partie de manière grave et inacceptable », poursuit le communiqué, qui « condamne fermement ces actes, qui portent atteinte à la liberté de la presse ».
« Que ça déborde dans l’Hémicycle est intolérable »
Le Rassemblement national s’est ensuite saisi du sujet dans l’Hémicycle, où était examiné le projet de loi dit de « simplification ». Les députés d’extrême droite ont notamment multiplié les prises de parole pour dénoncer les événements de l’après-midi, et appelé à des sanctions, sous les huées des députés LFI.
« Dans l’enceinte de l’Assemblée nationale doivent être respectées des règles de comportement qui sont nécessaires à la sérénité des débats parlementaires », a réagi mercredi dans un communiqué la présidente de l’institution, Yaël Braun-Pivet, en soulignant ne pas tolérer des démarches « pouvant s’apparenter à une mise en scène ou à des provocations ». « La méconnaissance de ces règles peut donner lieu à des mesures restrictives d’accès à l’Assemblée et de retrait d’accréditation », a-t-elle ajouté et elle « le rappellera par courrier au média “Frontières”. »
Jeudi, la présidente de l’Assemblée nationale s’est s’exprimée sur France Inter : « Que ça déborde dans l’Hémicycle est intolérable [car] c’est le lieu de la délibération et du débat politique. Il ne faudrait pas que les uns et les autres se servent de ce prétexte pour entraver la délibération et la marche normale de l’Assemblée nationale ».
Selon son entourage à l’Agence France-Presse, Mme Braun-Pivet va également adresser un courrier à Mme Panot pour rappeler notamment la nécessité de ne pas entraver l’accès à l’hémicycle, et à la CGT pour souligner l’impératif de ne pas « s’en prendre à la presse », ni « causer des troubles à l’ordre public ».
Les journalistes de Frontières ont reçu le soutien de nombreux responsables à droite, dont le président du RN Jordan Bardella et le patron des députés LR, Laurent Wauquiez. « Des journalistes hués, insultés, intimidés physiquement par des députés au cœur même de l’Assemblée nationale. Jusqu’où va-t-on descendre ? », a écrit sur X Marine Le Pen. Eric Ciotti, le président du groupe UDR, allié au RN, a demandé à la titulaire du perchoir « une réponse ferme et immédiate ».