- La prescription de psychostimulants pour traiter le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) progresse en France.
- Elle a en effet bondi de 154% entre 2020 et 2024.
La prescription de médicaments pour traiter le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) progresse en France, entre bénéfices réels et craintes de dérives autour de ce trouble du neurodéveloppement longtemps méconnu dans le pays.
Connu sous le nom de Ritaline, le méthylphénidate, psychostimulant utilisé pour le réguler, a vu ses prescriptions bondir de 154% en France entre 2020 et 2024, selon les bases de données de l’Assurance maladie analysées par l’AFP.
Classés dans la catégorie des stupéfiants, ces médicaments stimulent le système nerveux central en contrôlant les principaux symptômes de ce trouble : déficit d’attention, hyperactivité et impulsivité. Pour le professeur de pédopsychiatrie Olivier Bonnot, qui a présidé un groupe de travail dédié, à la Haute Autorité de Santé (HAS), « ils comptent parmi les médicaments les plus efficaces qui existent ».
6% des enfants et 2,5% d’adultes concernés par le TDAH
De mieux en mieux dépisté grâce à une meilleure reconnaissance des troubles du neurodéveloppement, le TDAH concernerait dans le monde environ 6% des moins de 18 ans et 2,5% des adultes, avec des symptômes pouvant varier tout au long de la vie. « Ce n’est pas comme un virus qu’on attrape ou pas, mais plutôt comme une tension trop élevée : quand les symptômes atteignent un certain niveau, ils doivent être traités
« , dit l’AFP le président de la Fédération mondiale du TDAH, le professeur américain Stephen Faraone.
Aux États-Unis, où les diagnostics et les traitements de TDAH sont plus fréquents, des voix se sont élevées pour critiquer une approche trop médicalisée. Environ la moitié des jeunes (3-17 ans) américains diagnostiqués recevaient un traitement médicamenteux en 2022, selon une enquête nationale sur la santé des enfants, contre 10 % en France, selon la Haute Autorité de Santé.
« Il y a eu un amalgame avec la situation américaine qui a contribué à diaboliser la Ritaline. Des parents ont été accusés de droguer leurs enfants et certains subissent encore des réflexions de pharmaciens »
, regrette Claudine Casavecchia, présidente de l’association HyperSupers – TDAH France.
Mais depuis quelques années, la progression du dépistage, le remboursement de méthylphénidate étendu à l’adulte en 2022, et la nécessité d’améliorer la prise en charge ont levé des freins.
« Légère hausse de la tension et du rythme cardiaque »
Perte d’appétit, troubles du sommeil, de l’humeur, léger retard de croissance, maux de tête… : « généralement bénins »,
les effets secondaires « peuvent être réglés en changeant la dose ou le médicament »
, selon la Fédération mondiale du TDAH, qui se base sur un consensus d’experts internationaux.
« Les données sont rassurantes. À long terme, on observe une légère hausse de la tension et du rythme cardiaque, c’est à surveiller »
, indique Sébastien Weibel, psychiatre au CHU de Strasbourg.
Aujourd’hui, des spécialistes du TDAH se félicitent de la récente commercialisation en France d’une nouvelle molécule, la lisdexamphétamine – sous le nom de Xurta –, une amphétamine déjà vendue ailleurs en Europe. Comme la Ritaline, elle agit sur la dopamine et la noradrénaline, impliquées dans la motivation et l’apprentissage, mais via un mécanisme d’action différent.
« Son arrivée a nécessité un travail de pédagogie »
, souligne Hugo Prunier, psychiatre au CH Le Vinatier, car « le mot ‘amphétamine’ fait peur en France, avec des préjugés partagés à la fois par les soignants et les patients ».
Crainte d’une dépendance potentielle
D’autant qu’aux États-Unis, d’autres médicaments à base d’amphétamines, comme l’Adderall – interdit en France – pour traiter le TDAH, ont été détournés de leur indication thérapeutique. Dans ce pays, des étudiants peuvent prendre la Ritaline ou l’Adderall pour « rester éveillé et étudier »
ou dans un cadre festif, explique le Pr Faraone, le président de la Fédération mondiale du TDAH.
Ces produits suscitent en outre la crainte d’une dépendance potentielle, les personnes atteintes d’un TDAH étant plus à risque de développer un comportement addictif.