Un homme s’est immolé par le feu, vendredi 24 janvier au soir, à proximité de la grande synagogue de Tunis, avant d’être tué par un membre des forces de l’ordre, dans des circonstances qui restent encore floues. Selon un communiqué du ministère de l’intérieur, l’homme « s’est immolé par le feu et s’est dirigé directement vers un agent de sécurité », avant d’être « abattu par un deuxième agent pour protéger son collègue ».
Le communiqué précise que l’incident a eu lieu dans le quartier de Lafayette, sans faire mention de l’édifice religieux, ni des motivations de l’homme abattu qui a, depuis, été identifié. « Il a été prouvé qu’il souffre de troubles psychologiques », est-ilprécisé, sans plus d’informations.
Un agent des forces de l’ordre a été brûlé et transporté à l’hôpital. Une autre personne, pour l’instant non identifiée, a également été blessée. Selon plusieurs témoins sur place, il s’agirait d’un « homme âgé », sans lien avec l’incident, qui est dans un état « stable ». Sur une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, on aperçoit un incendie dans la rue du Cap-Vert, derrière la synagogue. Un homme en feu semble s’enfuir en tentant d’éteindre les flammes alors qu’on entend des coups de feu.
L’incident a eu lieu vers 18 h 30. « J’étais en train de dormir quand j’ai entendu une femme crier et des mouvements dehors, raconte une voisine, qui n’a pas souhaité donner son nom. Je suis sortie sur le balcon qui donne sur la synagogue. Dans l’allée à côté, j’ai vu l’un des policiers, postés pour protéger le bâtiment, courir. Il y avait de la lumière au fond, comme un incendie. J’ai entendu trois coups de feu puis j’ai vu le policier revenir, faire des allers-retours avant que des renforts arrivent. »
Deux heures après l’incident, le calme était revenu et le quartier quadrillé par les forces de l’ordre, sous les yeux de riverains toujours sous le choc. « On a encore du mal à comprendre ce qu’il s’est passé », confie une personne, hébétée. « Il n’y a rien à voir », sermonne un policier.
Nombreuses attaques contre des lieux de culte juifs
Il n’est pas encore établi si l’homme a tenté de pénétrer dans la synagogue, comme l’affirment plusieurs témoins cités par des médias locaux. Les attaques contre des lieux de culte juifs en Tunisie ne sont en effet pas nouvelles. En 1967, lors de la guerre des Six-Jours, la grande synagogue de Tunis avait été incendiée au cours de violentes émeutes. Plus récemment, en octobre 2023, dans le contexte de la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza, le sanctuaire juif d’El-Hamma a été vandalisé et incendié par des jeunes, en soutien à la Palestine, hissant son drapeau sur le toit en signe de victoire.
Plus tôt, en mai de la même année, un agent de la garde nationale (l’équivalent de la gendarmerie) a ouvert le feu à proximité de la synagogue de la Ghriba sur l’île de Djerba lors du grand pèlerinage annuel juif, tuant deux fidèles. Les forces de l’ordre tunisiennes s’étaient interposées, empêchant un carnage : deux agents avaient trouvé la mort dans l’attaque. Les jours suivants, le président, Kaïs Saïed, avait alors récusé avec force le caractère « antisémite » de l’attentat. En 2002, le lieu avait déjà été la cible d’un attentat au camion-citerne bourré d’explosifs, revendiqué par Al-Qaida, et avait fait vingt-et-un morts, dont quatorze touristes allemands.
Ces actes ont profondément marqué la communauté juive tunisienne, forte de 100 000 personnes avant l’indépendance de 1956, et réduite aujourd’hui à seulement 1 500 personnes, vivant principalement dans la capitale et dans le sud-est du pays, à Djerba et à Zarzis. Depuis, les forces de sécurité tunisiennes maintiennent une présence à proximité des lieux de culte juifs, comme le rappelle l’incident de vendredi soir.