ARTE – SAMEDI 20 AVRIL À 20 H 50 – DOCUMENTAIRE
Comment ne pas penser à L’Etoile mystérieuse, d’Hergé, lorsque l’on aperçoit deux petites tentes rondes blanc et rouge en forme de champignon, posées sur une berge austère, face à un océan sombre. Nous sommes au camp de base de l’association Centre Terre, établi à l’extrême sud de la Patagonie chilienne, pour explorer l’île Madre de Dios, à la géologie unique.
A la place de Tintin et Milou, une quarantaine de spéléologues, archéologues, géologues, biologistes, âgés de 24 à 72 ans, sont venus pour effectuer une mission scientifique – la neuvième de Centre Terre.
Après un premier reportage en 2017, Patagonie : l’île oubliée, le documentariste Gilles Santantonio est retourné dans ce lieu à la lisière du 1 % de la Terre encore inexploré, accompagné cette fois de Maria Isabel et de son oncle Francisco, deux des derniers représentants du peuple autochtone Kawesqar. Son film nous fait vivre le quotidien sans fard d’une expédition de deux mois, entre imaginaire du bout du monde et réalité des conditions climatiques et environnementales.
Avec un souci visible d’intégrer le téléspectateur à l’aventure, le documentaire s’ouvre par la réunion de travail autour de Bernard Tourte, chef d’expédition. Puis il suit le trajet à bord des trois bateaux de Puerto Eden à Madre de Dios, à 100 kilomètres. « Par une météo sans surprise : exécrable », précise la voix off.
Trois tonnes de vivres
Est-ce par classicisme ? Le commentaire emprunte au phrasé formaté des documentaires français – ce que l’on oublie vite au contact de ces hommes et femmes sincères et enthousiastes, dont Richard Maire, coresponsable scientifique de l’expédition.
Le concret, c’est la mobilisation de tous pour décharger 3 tonnes de vivres et de matériels ; le rêve, ce sont les sommets blancs au loin. Il ne s’agit pas de neige, mais d’un calcaire qui ressemble au marbre, apparu il y a quatre-vingts millions d’années, lorsque la cordillère des Andes est sortie de terre, et depuis façonné, creusé et rainuré par l’eau.
La première expédition est spéléologique, menée par les géologue et paléontologue Charlotte Honiat et Tanguy Racine. La caméra les suit difficilement sous terre, dans les boyaux très étroits d’un dédale minéral, dégoulinants et couverts de boue, afin de prélever des échantillons de sédiments. Souriants et pleins d’humour, ils se moquent du froid et de leurs vêtements détrempés.
A la surface, un autre groupe a retrouvé une carcasse de baleine à bosse. Sous la pluie. Ce qui ravive les souvenirs de Francisco. Il ne sait pas quand il est né, mais il a vécu ici : « Aussi loin que je m’en souvienne, il pleuvait tous les jours, tous les mois de toute l’année. » Emmenés par Natalia Morata, la cheffe d’expédition pour le Chili, ils partent ensuite en quête de l’ancienne maison de Maria Isabel.
« Glacier de marbre »
Sur les neuf expéditions effectuées en deux mois, une des plus spectaculaires est celle menée à l’estuaire Calvo pour approcher le glacier HPS35. Notamment la descente en rappel, le long des parois, des spéléologues Laurence Boudoux d’Hautefeuille et Arnauld Malard – ils vont établir un nouveau record de profondeur, à – 75 mètres.
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Autre moment irréel, la découverte d’une grotte de glace bleutée sous le glacier. La technologie aussi impressionne. Tanguy Racine positionne ainsi des cibles afin de modéliser la cavité, ce qui lui permettra ensuite d’étudier le glacier depuis son laboratoire.
Les drones ont également révolutionné leur travail. D’un point de vue artistique, les vues aériennes du « glacier de marbre » semblent dessinées en noir et blanc. Seuls quelques points orange ou bleus sont visibles : les chercheurs.
Leur progression est lente et délicate. Le biologiste et écologue marin Raphaël Seguin effectue des prélèvements ADN avec l’espoir de trouver des animaux non visibles vivant dans ces grottes et souterrains, seuls lieux sur terre où l’on peut encore « fouler l’inconnu ».
Jusqu’ici, vingt-neuf cavités ayant abrité des hommes ou des sépultures kawesqar ont été identifiées. On apprend que Maria Isabel tisse des paniers pour les touristes, mais aussi qu’il y a plein de pétoncles à pêcher.
Après chaque mission, tous se retrouvent au camp de base, promesse de chaleur et d’une nourriture réconfortante. Avec en bonus, pour le dernier dîner, du foie gras, découpé au pied à coulisse : c’est une tradition ! En attendant la prochaine expédition.
Ultima Patagonia. La dernière frontière, documentaire de Gilles Santantonio (Fr., 2024, 90 min), sur Arte.tv jusqu’au 18 juin. Diffusé dans le cadre d’une programmation Journée de la Terre qui commence à 10 h 35 (Une planète vivante, de Sophie Musgrove) et s’achève à 23 h 20 (Les Chants de la Terre, de Margreth Olin).