Avec sa houppette brune, ses grands yeux étonnés et son ton enjoué, Ismaël Khelifa incarne la joie de vivre dans « Echappées belles », un magazine de voyage, sur France 5, qu’il présente, depuis 2019, en alternance avec Sophie Jovillard et Jérôme Pitorin. A l’écran, ce Tintin souriant et hipster (l’effet barbe de trois jours) semble avoir décroché le meilleur job du monde. Qu’il s’agisse de prendre un petit déjeuner berbère au Maroc (« T’es pas obligé de tout manger, hein », lui dit son hôte), de dormir à la belle étoile sur les dunes du désert en Mauritanie ou de faire du kayak en Nouvelle-Zélande (« L’eau est très fraîche », remarque l’aventurier), le monde semble pour lui un jardin d’Eden plein de beauté, de surprises et d’émerveillements. « Sylvain Tesson, c’est extraordinaire, j’adore, mais tout le monde n’est pas Sylvain Tesson », souligne-t-il, devant son cocktail de fruits bio. Les types − les autres − qui parcourent le monde, calepin à la main, en se donnant des airs d’ethnologues neurasthéniques l’insupportent. La figure du « voyageur dépressif », très peu pour lui.
Ce se retrouve dans son premier roman, Ce que la vie a de plus beau (Babelio, 400 pages, 21 euros), et dans le qualificatif dont Ismaël Khelifa se voit souvent affublé, celui de « Bisounours ». Pourtant, sa philosophie du verre « à moitié plein » est tout sauf un déni de réalité. Même s’il voyage dans les plus beaux endroits du monde, il côtoie toujours les pires horreurs, et n’oublie pas de les regarder en face. Prenez le lieu de notre rendez-vous, La Belle Equipe, un bar accueillant à la tenture fatiguée situé rue de Charonne, dans le 11e arrondissement de Paris. Ici, 19 personnes sont décédées le 13 novembre 2015, lors des attentats islamistes qui ont fait 130 morts à Paris. « Ce quartier est un mauvais et un très bon souvenir », assure-t-il. Il y a emménagé à 19 ans, en 1999, puis y a rencontré Alice, sa future épouse. Y a fait la fête avec insouciance. Jusqu’aux attentats. « J’étais détruit, comme tout le monde. Pour ma génération, il y a eu un avant et un après le Bataclan. »
Côté résilience, Ismaël Khelifa a de qui tenir. « Mes parents s’appellent Mohammed et Bernadette : le cliché complet, j’adore ! » Originaire de Nedroma, en Algérie, son père a choisi de partir pour la France à la fin des années 1960, avec l’espoir d’une autre vie. Il y rencontre sa future femme, originaire d’un village près d’Annecy. « Ce couple ne devait pas exister, souligne le journaliste. Au début, pour mes parents, cela n’a pas été facile avec leurs deux familles. » Puis, avec le temps, les choses ont évolué. « Un jour, pour la venue de ma grand-mère paternelle (en “burnous”), mon grand-père maternel, Gilbert, a fait griller un mouton selon l’abattage traditionnel : c’était énorme ! » Pour Mohammed, cela signifiait qu’il était accepté. De l’union avec Bernadette naîtra une fille, Nadia, deux ans avant Ismaël.
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