Ce sont des funambules des cimes. Des athlètes qui, non contents de jouer les acrobates sur une sangle tendue entre deux points fixes, le font en haute altitude. A plus de 4 000 m exactement. C’est ce qu’ont réalisé, dans le massif du Mont-Blanc, une quinzaine d’highliners français du collectif Les Passagers du vide. Perchés à plus de 700 m au-dessus du glacier des Périades (Haute-Savoie), ils ont, mercredi 11 et jeudi 12 juin, relié la dent du Géant (4 013 m) au mont Mallet (3 989 m), distants de près de 800 m, sur une sangle de seulement 2 cm de large.
Moments de concentration intenses quand il faut, pas à pas, placer au millimètre ses pieds l’un après l’autre sur le fil – les highliners étaient assurés à une ligne de vie – dans une recherche permanente d’équilibre, le regard fixé au loin, alors que tout, les éléments, le vent, le vertige, vous aimantent dans le vide. Antoine Crétinon, l’un de ces funambules de l’extrême, confie « avoir fondu en larmes » dans les bras de ses équipiers, quand, envahi par la décharge d’émotions, il a rejoint le point d’arrivée.
Il a fallu plus de huit mois aux membres du collectif pour mettre au point leur performance, davantage même si l’on remonte aux premiers points d’ancrage percés à la dent du Géant, majestueux monolithe de granite de 200 m à la frontière italienne. Les highliners ont acheminé eux-mêmes pendant trois semaines plus de 400 kg de matériel au pied de cette « canine », gravie à 25 reprises pour hisser le tout au sommet.

Ils ont ensuite, les sacs remplis de filin et de cordes dans le dos, emprunté l’étroite arrête de Rochefort qui sépare la dent du Géant du mont Mallet. Une fois fixée, il ne restait plus qu’à tendre la sangle et attendre des conditions météo favorables (soleil, absence ou minimum de vent…) pour s’élancer.
Des highliners en lévitation
Les images de ces deux jours de traversée sur un fil sont à couper le souffle. Minuscules dans un environnement d’une austère magnificence, les highliners paraissent suspendus, en lévitation au milieu des monstres de neige, de glace et de roche. La sensation de vertige est saisissante. Tout ça pour quoi ? « Pour la beauté du geste » et « la poésie du moment », rétorquent les acrobates des cimes, qui n’en sont pas à leur coup d’essai en montagne – en 2023, ils avaient relié sur une highline les aiguilles d’Arves, en Maurienne.
Les Passagers du vide n’ont d’ailleurs pas choisi le massif du Mont-Blanc tout à fait par hasard pour leur première mondiale à cette altitude. Les Nations unies ont fait de 2025 l’année internationale de la préservation des glaciers ; la performance des highliners, au-dessus de ceux des Périades et du Géant, est un rappel salutaire du rôle primordial de ces géants de glace, sentinelles du réchauffement mondial, dans la régulation climatique de la planète.
