Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) doit-il indemniser une personne devenue infirme quand elle était bébé, pour avoir été frappée par un autre bambin dont les parents n’ont pas été mis en cause ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.
Le 13 octobre 1992, les X confient leur fille, A, 4 mois, à une nourrice, Mme Y, qui, bien que non agréée, garde déjà trois enfants, dont le sien. Pendant que Mme Y conduit l’un d’eux aux toilettes, elle entend A pleurer. Lorsqu’elle revient, elle constate que B, 2 ans et demi, s’est emparé du hochet de dentition de A, et qu’il la frappe avec.
Quelques heures plus tard, A doit être transportée aux urgences, qui diagnostiquent un traumatisme crânien sévère. Malgré plusieurs opérations, elle reste invalide à 90 %.
Les X ayant porté plainte, une information judiciaire est ouverte. Les experts qui, pendant des années, se succèdent, indiquent que le hochet Babar, fabriqué pour partie en plastique dur, peut être à l’origine des lésions, mais qu’il n’y a pas de « certitude ».
Incertitude des experts
Bien que le juge ne soit pas tenu de suivre l’expert, et bien que la nourrice soit insolvable, faute de s’être assurée professionnellement, la cour d’appel de Lyon juge, le 7 septembre 2017, que cette dernière est seule responsable de l’accident, et que l’assurance responsabilité civile des parents de B ne doit pas jouer. « Une aberration », selon Me Olivier Costa, qui conseille la famille depuis vingt-sept ans.
En effet, la nourrice ne pouvant payer les 3 millions d’euros auxquels elle est condamnée, les X doivent demander que la commission des victimes d’infractions (CIVI) de Lyon se substitue à elle. Ils invoquent l’article 706-3 du code de procédure pénale, qui prévoit une réparation intégrale des dommages « ayant le caractère matériel d’une infraction ».
D’abord déboutés, ils obtiennent satisfaction en appel : le 20 octobre 2022, les magistrats lyonnais jugent que, « contrairement » à ce qu’ont estimé leurs collègues en 2017, « l’origine des blessures est bien établie », le récit de la nourrice étant « totalement crédible et compatible avec les avis médicaux quant à la réalité des coups de hochet portés par B ».
Or, ces coups relevaient soit de l’« infraction de violences volontaires », soit de l’« infraction d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne par maladresse », dit la cour, sans trancher. Leurs conséquences sont donc indemnisables.
Il vous reste 36.12% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.