Pendant des mois, un bruit de fond a continûment saturé le débat public : le front républicain aurait vécu. Vestige d’un passé révolu, il serait devenu inopérant, pris en étau entre la normalisation du Rassemblement national (RN) et la fatigue d’électeurs de gauche lassés d’être réduits au rôle du castor construisant des barrages.
La campagne éclair du premier tour des élections législatives n’a fait que conforter cette thèse. Les uns, du côté de la majorité présidentielle, plaçaient un signe égal entre « l’extrême droite » et « l’extrême gauche » – quand ce n’était pas, à l’instar d’Emmanuel Macron lui-même, entre le RN et l’ensemble du Nouveau Front populaire (NFP).
Les autres, notamment du côté de La France insoumise (LFI), renvoyaient dos à dos le premier ministre, Gabriel Attal, et le président du RN, Jordan Bardella. Au soir de ce premier tour, le 30 juin, l’interrogation majeure portait donc sur les effets que pouvait produire l’écart entre la réalité des résultats et les pronostics : le RN était élu dans 38 circonscriptions et en tête dans 260 autres, alors que seuls 3 % des électeurs du NFP comme de la coalition Ensemble (de la majorité présidentielle) pensaient que le RN risquait d’obtenir une majorité absolue.
Puis, en l’espace de quelques jours, le front républicain s’est constitué et la 7e vague du panel électoral, réalisée après le second tour des élections législatives, le 7 juillet, montre à quel point il a été d’une redoutable efficacité. Les partis politiques ont façonné la configuration des seconds tours : du fait des 210 retraits (130 du NFP et 80 d’Ensemble), il n’y a eu qu’une poignée de triangulaires dans les circonscriptions où le RN était arrivé en tête.
Mais, surtout, les électeurs ont suivi. Lorsqu’ils ont voté dans des duels entre le front républicain et le RN, 97 % des électeurs du NFP ont choisi un candidat Ensemble (ou, le cas échéant, Les Républicains) et 73 % des électeurs Ensemble ont choisi un candidat NFP. Le RN a ainsi été battu dans près des trois quarts des duels – bien davantage qu’en 2022.
Des limites à ne pas occulter
Au-delà des effets du front républicain, les résultats de l’enquête permettent de mieux en comprendre également les causes. Entre 70 % et 80 % des sympathisants de Renaissance, du Parti socialiste, des Ecologistes ou de LFI partagent l’idée que le front républicain exprime « l’inquiétude de ceux qui pensent que le RN est une menace pour la démocratie » , et non « une tactique permettant aux partis traditionnels de conserver le pouvoir ».
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