NETFLIX – À LA DEMANDE – MINISÉRIE
A 68 ans, David E. Kelley n’arrête pas, au risque de se montrer de moins en moins regardant sur le type de projet sur lequel il appose sa prestigieuse signature. Vétéran de la série judiciaire et procédurale (Ally McBeal, The Practice…), médicale (Chicago Hope), relancé depuis quelques années par des fictions prestigieuses produites par HBO (Big Little Lies, The Undoing) et une incursion plutôt réussie dans l’univers de la série adolescente (Big Shot), David E. Kelley livre avec A Man in Full (Un homme, un vrai, son titre adapté en français) une adaptation particulièrement pantouflarde d’un roman de Tom Wolfe (1930-2018) qui n’en demandait sans doute pas tant.
Déjà parce que Un homme, un vrai (Robert Laffont, 1998) apparaissait dès sa publication, comme une tentative, beaucoup moins aboutie, de reproduire le succès de son premier livre, Le Bûcher des vanités, publié onze ans plus tôt. Ensuite, parce que la faible appétence d’une plate-forme comme Netflix pour le risque ne rend pas justice à l’écriture polyphonique du livre, ici ramassée en six épisodes trop courts et qui donnent l’impression de voir deux séries en une, l’une blanche, l’autre noire.
Dénonciation des abus de pouvoir
La première est l’histoire d’un mâle blanc aux penchants histrioniques, qui voit l’empire industriel qu’il a bâti lui échapper. Fort accent texan et morgue en bandoulière, Jeff Daniels incarne avec un professionnalisme zélé l’odieux Charlie Croker, une ex-gloire du football devenue riche entrepreneur dans l’agroalimentaire à Atlanta, grande ville du sud des Etats-Unis majoritairement noire. Acculé à la faillite par des banquiers qui n’attendent que ça, trahi par un ancien collaborateur aussi fourbe que médiocre, l’homme refuse d’être mis à la porte, qu’il voit comme une première étape vers la retraite, puis la mort. « Je refuse d’être un homme qui a 60 ans », assène-t-il, lucide, au chirurgien qui s’apprête à lui poser une prothèse au genou.
La seconde est celle d’un jeune Noir emprisonné après une altercation avec un policier, auquel Charlie Croker va donner les moyens de se défendre en justice. Comme l’homme est l’époux de son assistante, Croker dépêche auprès de lui son avocat personnel, lui-même noir, qui voit dans l’affaire l’opportunité d’un procès exemplaire. Les deux affaires n’entreront en résonance que par des voies détournées, à la faveur de la réélection d’un élu local noir qui cherche à bénéficier du soutien de Croker. Le tout culmine en une dénonciation efficace, mais très didactique, des abus de pouvoir en tout genre dans une société encore plus polarisée qu’en 1998.
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