Quel est votre plat préféré ? Quel objet voulez-vous emmener ? Ces deux questions sont posées à chaque volontaire, âme perdue en quête d’expiation, avant qu’il rejoigne la Fosse (dont il ne sait rien). Une tour-prison en béton de 333 cellules, chacune occupée par deux détenus et percée en son centre par un puits qui paraît sans fond. C’est à travers ce trou béant que descend chaque jour une plateforme remplie de nourriture, qui s’amenuise de niveau en niveau. Dans cet enfer vertical, les prisonniers changent aléatoirement d’étage chaque mois, les premiers niveaux pouvant se gaver à volonté, quitte à affamer les cellules inférieures où ils finiront inéluctablement par crever la dalle eux aussi (ou boulottés par leur compagnon de geôle).
Voilà, en résumé, l’histoire de La Plateforme, film espagnol produit par Netflix et réalisé par Galder Gaztelu-Urrutia, sorti en 2019 (83 millions de vues). Une allégorie sur le capitalisme, où l’on organise l’incertitude en laissant espérer aux opprimés qu’ils pourront un jour accéder aux privilèges. Cette mise en abyme un peu grossière de la lutte des classes offre quelques fulgurances, à l’instar du Cube ou de Snowpiercer. Avec une note d’espoir à la fin à travers ce message quelque peu christique : sauvons l’innocence (incarnée évidemment par un enfant) et nous accéderons à la rédemption dans ce monde violent et corrompu.
On aurait pu en rester là mais, fort du succès du premier opus, Netflix a lancé une suite, La Plateforme 2, diffusée depuis le 4 octobre et qui s’est hissée en l’espace d’un week-end à la première place dans cinquante-six pays. Et là, patatras ! Les fans sont déçus mais, surtout, plus personne n’y comprend rien.
Non seulement le film, beaucoup plus gore que le précédent (âmes sensibles et végétariens s’abstenir), n’apporte aucune réponse sur les dirigeants de la Fosse et le but de sa création, mais il ajoute une somme d’interrogations sur son fonctionnement. Les règles ayant changé après une « révolution solidaire », le partage de la nourriture est désormais obligatoire, chacun devant manger uniquement le plat qu’il a choisi en entrant. Ceux qui contreviennent à la loi sont mutilés ou tués par un petit groupe de prisonniers dirigé par une sorte de messie un brin tyrannique nommé Maestro.
Des pistes brouillées
Face aux loyalistes, les réfractaires à ce système dans le système, appelés barbares, vont finir par se rebeller. Ajouter à cela des enfants qui jouent sur une pyramide sous la Fosse, un personnage censé être mort dans le premier volet, un tableau de Goya et un dénouement énigmatico-ésotérique, et l’on comprend mieux pourquoi la seconde occurrence qui apparaît dans Google est : « Plateforme 2, explication ».
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