L’année 2024 est bien la première de l’histoire à afficher +1,5°C par rapport au niveau pré-industriel.
Si cela ne signifie pas que la marque est définitivement dépassée, cela pose la question autour de l’Accord de Paris.
En 2015, les pays s’étaient engagés à se rapprocher le plus possible de ce chiffre symbolique.
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Notre planète
C’est officiel. L’année 2024 est bien l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre et la première à dépasser +1,5°C (nouvelle fenêtre) de réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle. C’est ce qu’indique l’observatoire européen Copernicus dans son rapport sur les « Faits marquants sur le climat mondial en 2024 » (nouvelle fenêtre), publié vendredi 10 janvier. L’année dernière, la température moyenne à travers la planète a été de 15,10°C, soit 1,60°C plus chaud que celle mesurée sur la période de référence 1850-1900.
« Chaque année de la dernière décennie fait partie des dix années les plus chaudes (nouvelle fenêtre) jamais enregistrées. Nous sommes maintenant sur le point de dépasser le niveau de 1,5°C défini dans l’Accord de Paris et la moyenne des deux dernières années est déjà supérieure à ce niveau », a alerté dans un communiqué Samantha Burgess, directrice adjointe du service changement climatique (C3S) de Copernicus.
Une nouvelle alerte après celle lancée, en novembre dernier, par les scientifiques du Global Carbon Project. Ils évaluaient alors à 50% la possibilité que le réchauffement dépasse le seuil de 1,5°C de l’Accord de Paris. Est-il désormais trop tard pour respecter cette marque hautement symbolique ? Pas si simple.
Pas sur la bonne trajectoire
Il est clair, pour le moment, que le monde n’est pas sur la bonne trajectoire. « Sauf miracle, dans les années à venir, il est peu probable que l’on parvienne à contenir le réchauffement en dessous des +1,5°C« , assène Robert Vautard, climatologue, directeur de recherches au CNRS et membre du Giec. Selon les chiffres, pour rester sous ce seuil, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent baisser de 43% d’ici à 2030 et de 57% d’ici à 2035. Problème : les engagements actuels des États amènent le monde à une baisse de seulement 2,6% dans cinq ans.
Surtout, la marge est faible. Ces dix dernières années, le niveau de réchauffement global a déjà dépassé de 1,2°C les températures relevées lors de l’ère pré-industrielle. En octobre dernier, dans un rapport publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) (nouvelle fenêtre), les scientifiques avaient même estimé que l’objectif de l’Accord de Paris était « bientôt mort ». Selon le document, s’il reste « techniquement possible » de rester sous les 1,5°C de réchauffement, « l’ampleur du défi est incontestable ».
« On s’approche dangereusement de la limite, notamment parce que les grands pays émetteurs développés ou les pays en développement comme l’Inde ou la Chine n’ont pas enclenché la grande transformation nécessaire », avance Sébastien Treyer, directeur général de l’Iddri. Ainsi, les politiques actuelles entraînent le monde sur un réchauffement estimé à 3,1°C d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère pré-industrielle.
Il y a des tensions inévitables entre l’urgence d’agir et le temps nécessaire pour pousser nos sociétés à changer
Il y a des tensions inévitables entre l’urgence d’agir et le temps nécessaire pour pousser nos sociétés à changer
Sébastien Treyer, directeur général de l’Iddri
Et la limite des Accords de Paris semble d’autant plus difficile à tenir que le contexte mondial se durcit sur les questions climatiques. Aux difficultés de développer des politiques prenant en compte la justice sociale et l’acceptation culturelle – comme la réduction de la consommation de viande (nouvelle fenêtre) – s’ajoute la montée d’un certain populisme dans les grandes économies mondiales, à l’image de l’élection de Donald Trump aux États-Unis (nouvelle fenêtre) qui a régulièrement qualifié le changement climatique de « canular ».
« Certains partis extrémistes accentuent ou parfois désinforment sur les impacts sociétaux négatifs de la transition écologique », alerte également Sébastien Treyer, qui pointe les « tensions inévitables entre l’urgence d’agir, puisque nous ne sommes pas loin de passer la barre des 1,5°C et le temps nécessaire pour pousser nos sociétés à changer ». Avec un risque : que les efforts arrivent trop tard ou pas du tout pour limiter la hausse des températures.
« Ce qu’il est important de comprendre, c’est que chaque atome de carbone qui est pris du réservoir fossile et mis dans l’atmosphère va y rester des milliers d’années », rappelle Robert Vautard. Selon les estimations, les gaz à effet de serre émis au 21ᵉ siècle par les activités humaines pourraient ainsi mettre des centaines de milliers d’années pour être totalement éliminées.
L’enjeu des 2°C
Plus que la marque des +1,5°C, l’enjeu aujourd’hui est de maintenir le monde en dessous des 2°C de réchauffement. « L’idée de l’Accord de Paris est de maintenir le réchauffement bien en dessous des 2°C, voire de poursuivre les efforts pour arriver à 1,5°C. Mais on oublie ainsi que c’est la limite des 2°C qui est la plus importante », pointe le co-président du Giec. Avec la nécessité de maintenir le niveau de réchauffement au niveau le plus pas possible.
Car plus ce dernier va être élevé, « plus les impacts seront forts et les extrêmes violents« , explique Robert Vautard qui rappelle que « chaque degré compte, comme chaque tonne de CO2 émise compte ». Et il existe des motifs d’espoirs dans ce domaine. « On sait qu’on évite, tous les ans depuis une bonne décennie, quelques gigatonnes de gaz à effet de serre grâce aux politiques climatiques. Ça représente quand même quelque chose », avance le chercheur.
Dans d’autres domaines aussi, des motifs d’espoirs sont présents : la Chine, premier émetteur de gaz à effet de serre, a vu ses émissions diminuer pour la première fois en mars 2024 (-3%) et pourrait atteindre son pic plus tôt que prévu tandis qu’en Europe, la baisse se poursuit depuis plusieurs années. De là à maintenir la hausse des températures en dessous des 2°C ? « Seul l’avenir nous le dira », répond Robert Vautard.