Selon une étude menée par des chercheurs français, le scorbut est en augmentation chez les enfants en France.
Ces travaux identifient une augmentation significative de cette maladie et de la malnutrition sévère à partir de la pandémie de Covid-19, une période associée à l’inflation et à l’instabilité socio-économique.
Les résultats de cette étude ont été publiés le 6 décembre dans la revue « The Lancet Regional Health – Europe ».
C’est une maladie associée aux navigateurs au long cours du temps de la marine à voile. Le scorbut semble pourtant faire un triste retour en France, selon une étude : 888 enfants atteints de scorbut ont été hospitalisés entre janvier 2015 et novembre 2023, ont calculé une équipe de chercheurs français. L’âge médian de ces enfants hospitalisés est de 11 ans.
L’étude a été menée par des chercheurs de l’hôpital Robert-Debré AP-HP, de l’Inserm, de l’université Paris Cité et du département de pédiatrie de l’hôpital de Cayenne, en Guyane. Elle repose sur les données collectées à partir du système national Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), qui regroupe l’ensemble des données sur les hospitalisations en France. Elle a inclus des patients âgés de 18 ans et moins, atteints de scorbut et de malnutrition sévère, entre janvier 2015 et novembre 2023. L’étude couvre deux périodes distinctes : pré-pandémie de Covid-19 (2015-2020) et post-pandémie (2020-2023). Les facteurs socio-économiques tels que l’indice des prix à la consommation ont été intégrés pour évaluer les corrélations avec l’incidence des maladies.
Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 6 décembre 2024 dans la revue The Lancet Regional Health – Europe (nouvelle fenêtre). Les données recueillies dans le cadre de ces recherches montrent un « changement de pente » significatif à partir de la pandémie de Covid-19 (nouvelle fenêtre), avec une hausse de l’incidence [le nombre de nouveaux cas d’une maladie, pendant une période donnée et pour une population déterminée, en l’occurrence 100.000 enfants, NDLR] du scorbut de 1,9% par mois. « Cette augmentation était plus prononcée chez les enfants âgés de 5 à 10 ans, avec une augmentation cumulée de 201%, et chez les filles (une augmentation cumulée de 66%) », écrivent les auteurs.
Des hospitalisations en hausse
L’augmentation des hospitalisations pour scorbut est estimée à 34,5% après le début de la pandémie de Covid-19, calculent ces chercheurs français. En outre, les cas de malnutrition sévère sont en hausse de 20,3% sur la même période post-Covid, constate cette équipe. Ce chiffre « conforte le lien du scorbut avec une dégradation de l’état nutritionnel des enfants », précise l’AP-HP dans un communiqué (nouvelle fenêtre). « Le retour inquiétant de cette maladie met en lumière les possibles conséquences de l’augmentation de la précarité socio-économique depuis 2020 sur l’état nutritionnel des enfants en France », ajoute l’AP-HP.
« L’augmentation des cas de scorbut et de malnutrition sévère était associée à une aggravation de la précarité socio-économique et de l’inflation. Cette association ne constitue pas nécessairement une relation causale, bien que plausible », poursuit le centre hospitalier universitaire de la région Ile-de-France. Les auteurs de l’étude préviennent toutefois dans The Lancet que « l’association entre les disparités socio-économiques liées à la pandémie de Covid-19 et l’augmentation potentielle de l’incidence du scorbut chez les enfants n’a pas été étudiée en profondeur ».
« Ces données sont inquiétantes, sans doute sous-évaluées puisque nous ne comptons que les hospitalisations, mais elles correspondent à ce que l’on voit à l’hôpital », indique auprès de Libération (nouvelle fenêtre) Ulrich Meinzer, chef de service à l’hôpital Robert-Debré, qui a coordonné ce travail. Selon l’AP-HP, la « réémergence du scorbut peut être liée à différentes causes incluant des facteurs environnementaux, sociaux mais aussi liés aux habitudes alimentaires ».
Une carence profonde en vitamine C
Le scorbut est lié à une alimentation déséquilibrée causée par une carence profonde en vitamine C. Cette maladie avait pratiquement disparu à la fin du XXe siècle dans les pays à haut revenu, en particulier en Europe. Elle faisait des ravages parmi les marins qui passaient des mois entiers en mer, en raison des difficultés de stockage ou d’approvisionnement en fruits et légumes frais. Le scorbut peut être responsable, entre autres, de douleurs osseuses intenses, d’une faiblesse musculaire invalidante, d’hémorragies et d’une altération de l’état général, rappelle l’AP-HP.
Lorsque l’apport en vitamine C est déficient (< 10 mg/jour), le scorbut peut se développer rapidement, souvent en un à trois mois. Les carences en vitamine C perturbent la synthèse du collagène et conduisent au développement du scorbut. On trouve la vitamine C dans des fruits ou légumes comme les oranges, les fraises ou encore les brocolis.