Il n’y a pas que les vacanciers qui jouent à la pétanque, l’été. Les physiciens des particules aussi, et plusieurs d’entre eux ont fait part de leurs exploits ces dernières semaines, avec leur « boule » fétiche, le neutrino. Cette particule filant à la vitesse de la lumière, quasiment sans masse, a le bon ou le mauvais goût de compliquer grandement le jeu. Connue pour interagir très faiblement avec les autres particules, elle permet peu de « carreaux ». Rien que le Soleil, par les réactions nucléaires en son sein, en envoie plusieurs dizaines de milliards par centimètre carré et par seconde, sans aucune conséquence sur nos existences.
Son côté insaisissable fait de lui un messager précieux pour apporter des informations manquantes sur les particules ou sur l’Univers. Des neutrinos « fossiles », produits quelques minutes après le Big Bang, pourraient encore errer dans le ciel. Un halo de neutrinos émis par toutes les étoiles ayant explosé dans la galaxie pourrait encore subsister. Connaître sa masse ou ses propriétés encore largement inconnues ouvrirait une fenêtre sur une nouvelle théorie physique. Le jeu en vaut donc la chandelle, et, cet été, les physiciens ont brillé à la pétanque sur au moins quatre terrains différents.
Au fond de la Mediterrannée, au large de la Sicile, d’abord. En juin, lors de la conférence bisannuelle Neutrino, Joao Coelho, du laboratoire Astroparticules et cosmologie, à Paris, a annoncé, selon la revue Nature, que l’expérience ARCA, à laquelle il participe, aurait repéré le neutrino le plus énergétique jamais observé. La boule aurait battu le record actuel détenu par l’expérience IceCube, qui a déjà flashé un intrus à quelques pétaélectronvolts, soit 1 000 fois plus que les particules accélérées dans le plus grand collisionneur, le CERN, près de Genève. Depuis la révélation, les membres d’ARCA gardent le silence et promettent plus de détails sur la localisation et les caractéristiques de ce super-neutrino dans quelques semaines. ARCA, comme IceCube, repère ces neutrinos lors de leur transformation en d’autres particules au moment du choc avec des noyaux d’eau ou de roche. Il est une sorte de télescope à neutrinos destiné à cartographier ces particules émises par les supernovæ, les collisions d’étoiles ou d’autres événements cosmiques violents encore incompris.
Plus fugace encore, la matière noire
En Italie toujours, mais cette fois sous la montagne du Gran Sasso dans les Abruzzes, d’autres chocs ont été enregistrés et décrits en juillet. L’expérience XENONnT a vu ses premiers neutrinos venant du Soleil. La technique est encore plus proche de la vraie pétanque, car, dans ce cas, le neutrino ne se transforme pas, mais fait reculer infinitésimalement l’un des noyaux d’atome présents dans les 5,9 tonnes de xénon liquide de l’instrument installé sous 1 400 mètres de roche. « On est enthousiastes, car c’est la première fois que nous avons un signal positif dans notre expérience », se réjouit Dominique Thers devant la moisson de 37 neutrinos solaires observés. Il faut dire que XENONnT traque sans succès depuis des années, comme d’autres, des particules encore plus fugaces que les neutrinos, la matière noire. L’autre intérêt est que cela démontre que les neutrinos solaires peuvent être repérés autrement que par des expériences géantes avec plus de 100 tonnes de matière sensible, comme Super-Kamiokande, SNO ou Borexino.
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