L’adoption définitive par le Congrès, jeudi 3 juillet, d’un vaste projet de loi budgétaire, constitue une victoire politique incontestable pour Donald Trump. Le « One Big Beautiful Bill » (« unique grand beau projet de loi »), comme a décidé de le nommer le président des Etats-Unis, regroupe une grande partie de ses promesses de campagne, ce qui en fait un enjeu majeur sur lequel il ne pouvait se permettre d’essuyer un revers. Avant de le signer, le 4 juillet, jour de la fête nationale, il a pesé de tout son poids et utilisé la menace pour convaincre des élus républicains divisés sur un texte qui va creuser à la fois les inégalités et la dette publique dans des proportions inquiétantes.
L’une des principales mesures consiste à prolonger les réductions d’impôt adoptées en 2017, lors de son premier mandat, et censées expirer à la fin de cette année, auxquelles s’ajoutent d’autres exemptions fiscales. Parallèlement, le budget de la défense et celui de la sécurité aux frontières ont été augmentés.
Pour tenter de compenser ces mesures, le Congrès a décidé de sabrer dans le budget de Medicaid, la couverture santé des personnes à faibles revenus ou handicapées, tout en réduisant l’aide alimentaire aux plus démunis. Enfin, le texte supprime les crédits d’impôt adoptés sous la présidence de Joe Biden en faveur de la transition environnementale.
Robin des bois à l’envers
Elu sur la promesse de redonner espoir aux classes populaires américaines, Donald Trump risque avec cette loi de les désespérer davantage. Tel un Robin des bois à l’envers, il propose tout bonnement de prendre aux pauvres pour redonner aux riches. Pendant que les 10 % les plus aisés vont bénéficier d’un gain fiscal de plusieurs milliers de dollars, de 11 millions à 15 millions de personnes seront privées d’assurance-maladie et des millions d’autres n’auront plus accès à l’aide alimentaire.
Même si le Congrès a prévu une entrée en vigueur de ces mesures après les élections de mi-mandat de novembre 2026, l’orientation de la loi ne trompe personne. Selon les sondages, les deux tiers des Américains y sont défavorables. Etant donné l’évidence avec laquelle cette redistribution vers le haut rompt avec les promesses de campagne de Trump en faveur de l’Amérique des oubliés, son parti risque d’en subir les conséquences dans les urnes.
Cette loi fait également la part belle aux énergies fossiles, tout en arrêtant le soutien aux investissements verts. Zero Lab, un groupe de recherche de l’université de Princeton, a calculé que le texte va aboutir à une augmentation de 10 % des émissions de CO2. En tournant le dos à la transition énergétique, les Etats-Unis ouvrent un boulevard à la Chine dans un domaine de plus en plus stratégique.
Ce budget est construit sur une fuite en avant, augmentant la dette de plus de 3 300 milliards de dollars (2 800 milliards d’euros) sur la prochaine décennie. Le Parti républicain montre ainsi qu’il peut prôner une certaine discipline budgétaire lorsqu’il est dans l’opposition, mais qu’il est capable de dépenser sans compter une fois au pouvoir. Au moment où les taux d’intérêt et les risques d’inflation demeurent élevés, la loi pourrait durablement fragiliser l’économie américaine.
Méfiants, les investisseurs réclament déjà des primes de risque de plus en plus élevées pour acheter de la dette américaine. En faisant adopter cette loi, Donald Trump passe outre les avertissements lancés ces dernières semaines par le marché obligataire. Si sa victoire politique ne fait pas de doute, le coût pour le pays s’annonce exorbitant.