Huit semaines après la tenue d’élections législatives déclenchées par la dissolution de l’Assemblée nationale, la France se retrouve dans une situation politique aussi inédite que dangereuse. Ni la longue phase de décantation décrétée par Emmanuel Macron pendant les Jeux olympiques, en vue de désigner un nouveau premier ministre, ni les consultations politiques qu’il a tardivement engagées, en fin de semaine dernière, n’ont permis de sortir de la confusion. En pleine rentrée scolaire, à quelques semaines de la présentation du projet de budget pour 2025, le pays est de nouveau menacé de blocage du fait de l’entêtement du chef de l’Etat à vouloir garder la main le plus longtemps possible en misant sur la faiblesse relative de ceux qui tentent de s’imposer à lui.
Le communiqué publié lundi 26 août par l’Elysée actant le refus d’Emmanuel Macron de nommer à Matignon la candidate du Nouveau Front populaire éconduit la gauche, qui s’appuyait sur sa première place à l’issue des législatives pour faire valoir son droit à gouverner. La réaction courroucée de toutes ses composantes est à la hauteur de l’affront. Le prétexte invoqué par le chef de l’Etat est que les autres groupes politiques, consultés l’un après l’autre, n’auraient pas tardé à censurer le nouveau gouvernement.
L’hypothèse est plausible, compte tenu du degré d’animosité que suscite La France insoumise, composante toujours dominante du NFP, sur les autres bancs de l’Assemblée nationale, mais également du tir de barrage qu’ont suscité plusieurs mesures contenues dans son programme. En l’absence d’autre possibilité évidente, le jeu sain de la démocratie aurait cependant gagné à ce que le chef de l’Etat laisse l’expérience se dérouler à ses risques et périls, au lieu de vouloir rester coûte que coûte le maître des éléments, dans l’espoir de préserver le plus longtemps possible la politique qu’il a lancée et qui se trouve aujourd’hui mise en minorité. Rien n’est plus délétère que de faire traîner un gouvernement démissionnaire qui semble se comporter comme si aucun changement ne s’était produit dans les urnes.
Le pari perdu de la décantation
L’incapacité d’Emmanuel Macron à tirer clairement les conséquences de sa défaite au terme d’une dissolution dont il est seul responsable est la donnée essentielle du blocage actuel. En décidant seul, le 9 juin, cette consultation hasardeuse, alors que le pays était divisé et sa politique décriée, le chef de l’Etat n’a pas seulement fait du tort à son camp, sorti très affaibli du scrutin. Il a aussi mis le pays en danger en accentuant les clivages, l’émiettement, l’incertitude et le risque du blocage. Jamais cependant il ne s’est comporté comme le principal perdant de cette élection, ni n’a clairement acté le principe d’une cohabitation. Il est plus que temps de le faire.
Le reste relève de la responsabilité des forces politiques présentes au Parlement. Celles qui se disent prêtes à gouverner ont eu l’été pour tenter de nouer des alliances au-delà de leur périmètre et tenter de construire une majorité qui s’impose au chef de l’Etat. Aucune n’a cru bon de le faire, par peur de se compromettre ou manque d’intérêt avant la présidentielle de 2027. Là encore, le pari de la décantation tenté par Emmanuel Macron pour essayer de faire apparaître une coalition allant du centre gauche au centre droit a été perdu. Le résultat est que le premier ministre qu’il se doit à présent de nommer sans délai va entrer en scène en cumulant tous les handicaps.