Un corps est étendu au bord de la route. A quelques mètres de là, un homme est allongé sur le ventre, pieds attachés et mains liées dans le dos. Deux autres enfin sont agenouillés sur la terre rocailleuse. Autour d’eux, une dizaine d’hommes armés, vêtus de façon variable de treillis, gilets tactiques et autres vêtements kaki. La scène, filmée par un membre du groupe, est confuse. L’ordre de ne pas tirer est répété à deux reprises. « Ce sont des chabiha », explique celui qui filme, faisant ainsi référence au nom donné aux hommes de main du régime tout juste déchu de Bachar Al-Assad. « Des porcs alaouites » (minorité religieuse issue du chiisme à laquelle appartient la famille Al-Assad), ajoute-t-il en guise d’insulte à l’adresse des deux derniers prisonniers.
Ceux-ci s’allongent alors sur le sol, laissant peu de place au doute quant au sort qui va leur être réservé. Dans le champ de la caméra, détail macabre, on aperçoit la pomme à moitié entamée qu’un des témoins de la scène est en train de manger. « Dieu sait à quel point j’ai été patient face à celui qui a assuré leur sécurité », assure et répète l’un des bourreaux. On n’en saura pas plus. Ils sont finalement trois à ouvrir le feu, criblant quasiment à bout portant les deux hommes allongés de dizaines de balles de kalachnikov. « Dieu est grand. On s’est débarrassé de deux porcs dans le village d’Al-Rabia », conclut le cameraman avant de mettre fin à son enregistrement.
La cellule d’enquête vidéo du Monde est parvenue à identifier avec précision le lieu de l’exécution. Au moins deux localités portent le nom d’Al-Rabia en Syrie (l’orthographe varie selon les translittérations) : l’une dans la province de Lattaquié, l’autre dans celle de Hama. Si la vidéo a parfois été partagée et présentée comme ayant été filmée dans la première, sa topographie faite de reliefs verdoyants ne correspond pas à celle visible sur les images. Les paysages de plaines rocailleuses qui entourent la commune d’Al-Rabia en périphérie ouest de Hama y correspondent davantage.
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