Comment produire sans continuer d’impacter lourdement l’environnement ?
Fabrice Bonnifet, président du C3D, le collège des directeurs du développement durable, appelle les entreprises à adopter des modèles économiques à visée régénérative.
Il nous livre son nouvel édito.
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Impact Positif
Tant que nous continuerons à chérir les profits financiers, y compris pour notre épargne, sans en assumer les conséquences en termes de dettes environnementales, nous serons collectivement complices de notre autodestruction. La comptabilité dans sa version borgne actuelle consiste à compter ce que l’on gagne, sans compter ce que l’on doit. Autrement dit, elle maximise les gains financiers pour quelques-uns, tout en mutualisant les pertes pour le vivant humain et non humain. Comme le résume Alexandre Rambaud, docteur en mathématiques et sciences de gestion et maître de conférences à AgroParisTech, « là où l’on voit du profit aujourd’hui, en réalité, c’est de la dette !«
Feu la CSRD, avant son torpillage en règle des partisans inconscients de la dégénérescence de notre civilisation, avait timidement essayé un rapprochement lucide entre la finance et les coûts inhérents aux impacts négatifs des activités des entreprises. Parce que oui, seule la prise en compte de la matérialité d’impact pourrait avoir un effet sur l’impérieuse nécessité d’inclure dans la stratégie de l’entreprise, non pas uniquement des dispositifs pour faire un peu mieux, mais surtout des mesures concrètes et quantifiables pour effectivement rembourser la dette relative au capital nature.
Car jamais au grand jamais l’efficience des processus, ni même la notion de performance globale qui ne se contente que de dérisoires « progrès » en termes d’intensité de pollution pour chaque euro investi, ne pourront assurer un découplage absolu de la richesse économique produite, par rapport aux pressions environnementales subies par la biosphère.
La « soutenabilité faible » défendue par des benêts qui soutiennent l’idée selon laquelle l’utilisation du capital naturel n’est pas une limite à la croissance, car elle peut être compensée par des innovations techniques, nous rapproche chaque jour un peu plus de l’effondrement. Seule une « soutenabilité forte » permettrait de vivre dignement dans une civilisation de la post-croissance, car elle exige le maintien à un niveau constant du capital naturel. Ce dernier étant irremplaçable par les autres formes de capitaux.
Et pour faire cela, l’adoption de modèles économiques à visée régénérative (merci GenAct) représentent une formidable opportunité pour sortir de la spirale de la polycrise dans laquelle nous sommes enfermés. Prétendre le contraire aujourd’hui, avec la somme des connaissances scientifiques accumulées, relève de l’obscurantisme doublé de lâcheté et d’égoïsme. Pour sauver du naufrage le soldat CSRD et sa double matérialité, tentons, tant que nous le pouvons encore, de transformer le paquet Omnibus de la honte en une Trajectoire de Grande Vertu (TGV).