Valère Novarina entre dans son atelier et c’est comme s’il n’était pas seul. Entrent avec lui Raymond de la matière ou le Tresseur de zig-zag, l’Homme de Miam ou le Rongeur de son propre refrain, Jeanjean Strophique ou Jambique de la Nièvre, l’Enfant pariétal, l’Ecrituriste ou les Possessionnathes – autant de figures dont on ne livre ici qu’un échantillon minuscule. Voilà plus de soixante ans, déjà, qu’il agite dans tous les sens les particules élémentaires du langage, inventant, tel un botaniste fou, une jungle foisonnante, hybridant et réhybridant les espèces et les sous-espèces pour créer des spécimens uniques, en une prolifération rhizomatique sans fin.
Cet enfant de Rabelais et des mystiques chrétiens est l’inventeur d’un « drame du langage » unique, au fil d’une cinquantaine de pièces et d’ouvrages théoriques, pour la plupart publiés chez P.O.L. Ses pièces, que les traducteurs adorent pour l’exercice acrobatique que suppose leur transposition dans une autre langue, sont jouées partout à travers la planète, et ses écrits théoriques étudiés dans les universités du monde entier.
Mais c’est une autre actualité qui le remet aujourd’hui dans la lumière, à 82 ans. A la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts (Aisne), il fait l’objet d’une exposition, « Traces d’écriture, peintures, renversement », qui, de manière surprenante, présente surtout ses œuvres picturales – il est également peintre. Aux éditions HDiffusion paraît un plantureux Dictionnaire Novarina, sous la direction de Céline Hersant et Fabrice Thumerel. De « A » comme « Accessoires » à « Z » comme « Zébrage », en passant par « B » comme « Babel », « C » comme « Caillou », « R » comme « Rire » (car, oui, Novarina, c’est drôle) ou « T » comme « Tango », l’abécédaire musarde de manière savante ou très personnelle sur le territoire novarinien.
Il vous reste 83.85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.