- Le député LFI Raphaël Arnault dénonce des « chasses aux migrants » à la frontière entre la Pologne et l’Allemagne.
- Elles seraient conduites par des groupes néonazis polonais, assure l’élu, qui appuie son propos en relayant une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
- TF1info a enquêté sur ces images et sur les faits dénoncés, documentés par les médias en Pologne, mais qu’il est hâtif d’imputer à des membres de réseaux néonazis.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
Militant antifasciste devenu député sous les couleurs de la France insoumise, Raphaël Arnault s’est exprimé sur X pour alerter ses abonnés (nouvelle fenêtre) sur des faits survenus « depuis plusieurs jours en Pologne
[…] à la frontière allemande »
. Là-bas, « des groupes de néonazis »
organisent, selon lui, des « chasses aux migrants ».
Des actes qu’il condamne avec fermeté, évoquant « un véritable retour en plein dans les années 30 ».
Une vidéo de 19 secondes accompagne son message. On y voit un groupe d’hommes cagoulés, torses nus et bras croisés. Au premier plan, leur représentant s’empare d’un micro et s’exprime à visage découvert en polonais. Ses propos ne sont pas traduits, mais il adopte un ton menaçant, avec une gestuelle agressive.
Des combattants de MMA filmés près de la frontière
Pour obtenir une traduction de cette séquence, il faut se plonger dans les médias polonais, qui s’en sont fait l’écho (nouvelle fenêtre). Hors champ, un homme interroge le leader du groupe et lui demande « Qu’est-ce que tu fais ici ? »
L’intéressé saisit alors le micro pour lui répondre. « Eh bien, que voulez-vous dire ? Pourquoi ne savez-vous pas ce qui se passe dans notre pays ? Nous défendons les frontières polonaises, afin qu’aucun salaud ne puisse se mettre en travers de notre chemin. À tous les pseudo-ingénieurs bronzés : vous entrez dans notre pays à vos risques et périls ! »
Il s’agit là d’une menace claire, lancée en direction de migrants en situation irrégulière se trouvant sur le sol polonais.
Ces images montrent-elles un groupe de néonazis lancés dans une « chasse aux migrants » ? TF1info a retrouvé le compte qui est à l’origine de cette vidéo (nouvelle fenêtre). Il ne s’agit pas d’un groupuscule militant ou politique revendiqué, mais d’un service polonais de streaming nommé « Gromda.tv », spécialisé dans les sports de combats. Il diffuse pour l’essentiel des combats de MMA.
L’homme très musclé au premier plan est d’ailleurs un combattant, un certain Denis Romek, connu dans son milieu sous le surnom de Romuś. Plusieurs sites polonais pointent du doigt une opération de communication, visant à faire la promotion de la plateforme Gromda. Les hommes ici filmés se seraient rendus à la frontière allemande – on observe à l’arrière-plan un panneau qui nous le prouve – afin d’utiliser comme prétexte les tensions dans la zone pour leur mise en scène.
Sans préjuger de leurs convictions politiques, rien ne permet à ce stade de présenter ces individus comme des néonazis, ce que confirme à TF1info le journaliste et fact-checker polonais Adam Majchrzak, représentant du site Demagog
. Dans le même temps, le média wPolityce souligne (nouvelle fenêtre) que l’on entend à la fin de la vidéo la formule « Nie ma miękkiej gry! »
, présentée comme le slogan de Gromda. On pourrait traduire cette phrase en français par « Il n’y a pas de combat facile ! »
. Par le passé, la plateforme s’est déjà fait remarquer par l’usage d’une rhétorique anti-migrants, ajoute (nouvelle fenêtre) un autre article de presse.
Des citoyens d’extrême droite agissent illégalement
Il n’est ainsi pas possible d’associer les hommes représentés sur cette vidéo à des organisations néonazies, d’autant qu’aucun élément ne vient accréditer la thèse de leur participation à des actions violentes envers des migrants. Ces précisions faites, il faut toutefois noter que de fortes tensions ont éclaté à la frontière germano-polonaise ces dernières semaines. L’AFP rapporte ainsi que fin juin, « des membres d’un ‘Mouvement de la défense des frontières’ d’extrême droite ont installé au long de la frontière des ‘patrouilles citoyennes’ destinées à contrôler les passages ».
Ces mobilisations ont lieu dans un contexte d’opposition entre Berlin et Varsovie, liée aux flux migratoires. La Pologne a temporairement réintroduit des contrôles avec ses voisins de l’UE, l’Allemagne et la Lituanie, expliquant qu’elle y était contrainte pour parvenir à contrer « l’immigration illégale ».
Des officiels polonais reprochent à leurs voisins allemands de procéder à un renvoi de migrants. Des individus pour l’essentiel originaires du Moyen-Orient, qui traversent chaque mois les pays baltes depuis le Bélarus, avant de transiter par la Pologne vers l’Allemagne, comme le relevait l’AFP ce lundi.
Il est vrai que certaines personnes se concentrent autour des frontières et protestent contre les migrants
Il est vrai que certaines personnes se concentrent autour des frontières et protestent contre les migrants
Adam Majchrzak, journaliste
Cette question, sensible en Pologne, a provoqué des tensions avec l’Allemagne. Varsovie a accusé son voisin, qui avait déjà introduit des contrôles à la frontière avec la Pologne depuis 2023, de lui renvoyer de nombreux migrants, une accusation que Berlin a démentie. « Il est vrai que certaines personnes se concentrent autour des frontières et protestent contre les migrants »
, résume le journaliste Adam Majchrzak. « Mais il s’agit plutôt d’initiatives citoyennes »
, bien que des groupes politisés soient présents, à droite et à l’extrême droite de l’échiquier. En l’état actuel des choses, « nous n’avons aucune indication que des groupes extrêmes
[tels que des groupuscules néonazis, NDLR] seraient impliqués, ni d’ailleurs qu’ils arrêtent les migrants sur le terrain ».
Les autorités polonaises suivent en tout cas avec la plus grande attention ces mouvements de protestation. Elles dénoncent le caractère illégal des rassemblements et déplorent que des militants viennent perturber le travail des gardes-frontières. Au total, 52 postes de contrôle ont été installés à la frontière avec l’Allemagne et 13 avec la Lituanie, a rapporté le ministre de l’Intérieur polonais Tomasz Siemoniak. Un déploiement pour une période renouvelable de 30 jours, du 7 juillet au 5 août.
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