Relayant un article paru dans la presse outre-Manche, Nicolas Dupont-Aignan évoque une vague de démissions au sein de l’armée britannique.
Des départs qui seraient justifiés selon l’ancien député par leur crainte « d’être envoyés en Ukraine ».
Une explication réductrice : outre le fait que les départs de soldats ont débuté avant la guerre, ce sont surtout des motifs liés au niveau de vie dans l’armée qui sont invoqués.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
L’ancien député de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan souhaite une issue diplomatique rapide au conflit en Ukraine. La situation actuelle, selon ses mots (nouvelle fenêtre), relève d’un « délire suicidaire » et devrait nous inciter à prendre des distances avec les « folies de l’Otan ».
Dans ce contexte, le président de Debout la France met en avant la démission de « milliers de soldats britanniques », quittant l’armée parce que « craignant d’être envoyés en Ukraine ». S’il partage un article tiré de la presse outre-Manche, l’ancien candidat à la présidentielle en tire des conclusions très sélectives qui se révèlent trompeuses.
Rémunérations et conditions de vie sont pointées du doigt
Que nous apprend la publication (nouvelle fenêtre) du Daily Telegraph, ce quotidien britannique très sérieux ? Que les soldats britanniques quittent les forces armées « à un rythme alarmant, malgré une augmentation de salaire intervenue au cours de l’été ». Pour la première fois, poursuit le journal, « on compte désormais seulement deux militaires pour mille personnes en Grande-Bretagne ». En détails, pas moins de 15.119 personnes ont quitté les forces armées entre janvier et octobre 2024. Il ne s’agit pas ici uniquement de départs à la retraite : 7.778 « départs volontaires » ont été enregistrés, apprend-on. « C’est-à-dire des personnes ayant choisi de quitter les forces armées de leur propre chef. »
La vague de départ mise en avant par Nicolas Dupont-Aignan est donc bien réelle, mais qu’en est-il des motifs invoqués par les soldats pour justifier leur décision ? Si le Telegraph évoque « une époque où les conflits se multiplient à travers le monde », il ne s’agit pas de la raison qui est mise en avant pour expliquer les démissions de soldats. Ce sont avant tout les conditions de vie des militaires qui sont pointées du doigt, à commencer par leurs niveaux de rémunération.
Une hausse de salaire a été annoncée en juillet par le ministère de la Défense – la plus importante pour les forces armées depuis 22 ans – ainsi que des primes de maintien en poste. Pour autant, les « chiffres suggèrent que cette augmentation n’a peut-être pas été suffisante », constate la presse. Et de souligner que « les salaires des soldats n’ont augmenté que de 1,9% depuis 2011, contre 13,39% pour les nouveaux médecins juniors et 10,14% pour les conducteurs de train ». Face à cette situation, il devient délicat outre-Manche de « retenir les talents », ainsi que d’en attirer de nouveaux.
Alors que seuls 32% des militaires britanniques se déclaraient satisfaits de leur salaire avant l’été, les conditions de vie au sein des armées apparaissent aussi comme un frein majeur. La question de l’hébergement des soldats et de leurs familles est ainsi régulièrement mise en avant dans les médias anglais. « Des centaines de familles de militaires vivent dans des logements insalubres », déplorait (nouvelle fenêtre) par exemple un article du Daily Mail paru l’an passé. Moisissures, humidité et autres problèmes de chauffage étaient ainsi décrits en détails.
Un recrutement qui faillit, malgré des candidats
Tandis que des départs volontaires de l’armée se multiplient, les nouvelles recrues sont moins nombreuses ces dernières années. Pour autant, il serait là aussi hasardeux de présenter la situation comme une conséquence directe de la guerre en Ukraine. Car cette difficulté à renouveler les effectifs a débuté plusieurs années avant, comme en attestent des articles datant de 2019.
Il convient aussi de souligner que le contexte socio-économique n’incite guère à rejoindre les rangs de l’armée. Le faible taux de chômage au Royaume-Uni détourne une partie des candidats d’une carrière militaire, tandis que les cas de « brimades, agressions sexuelles, suicides et autres viols dans les centres de formation », mis en avant au cours de la dernière décennie, ont également dissuadé de potentielles recrues.
Les politiques publiques en matière de recrutement font l’objet de critiques nourries outre-Manche, alimentées par des chiffres qui interpellent. En début d’année, on apprenait (nouvelle fenêtre) que durant les « dix dernières années, 83% des 707.000 personnes qui ont demandé à rejoindre l’armée ont volontairement retiré leur candidature », tandis que « moins de 80.000 » ont finalement été recrutées. Échecs lors des tests médicaux, démotivation, blessures, manque d’attractivité des armées et affaires d’abus sont en autres évoqués, tandis que dans la réserve, les démarches très longues en vue d’une admission sont souvent soulevées.
En résumé, il serait donc très réducteur de justifier les nombreux départs de soldats de l’armée britannique – bien réels – par la seule crainte de risquer à l’avenir une mobilisation sur le front en Ukraine. Le manque d’attractivité des carrières militaires est un sujet récurrent ces dernières années chez nos voisins britanniques, une problématique qui n’a d’ailleurs pas attendu l’invasion russe de février 2022 pour être mise en avant dans le débat public.
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