Une pétition pour s’opposer à « l’éducation à la sexualité » a récolté 57.000 signatures.
Une association y développe plusieurs raisons de s’opposer au programme d’éducation à la vie affective à l’école.
Nous avons vérifié ses arguments.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
L’association est régulièrement en guerre contre les politiques menées dans l’école publique. Après s’être opposée pendant plusieurs mois au port du masque pour les plus jeunes durant l’épidémie de Covid-19, le collectif SOS Éducation (nouvelle fenêtre) s’en prend désormais à l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle qui doit entrer en vigueur en septembre. Et il n’est pas seul. Ce mardi 11 février, la pétition contre ce programme destiné à l’enseignement de l’école primaire jusqu’au lycée avait récolté 57.000 signatures. Mais sur quoi reposent leurs critiques ? Nous avons vérifié trois arguments de cette association.
Un « choc traumatique » pour les jeunes ? Rien ne le prouve
À commencer par l’argument selon lequel ces programmes seraient dangereux. D’après la requête lancée dès le mois de mai (nouvelle fenêtre) par le groupe, à l’origine d’au moins quatre pétitions dans le passé, « parler de sexualité trop tôt à un enfant, c’est prendre le risque de provoquer un choc traumatique ». Pourtant, nous n’avons retrouvé aucune étude allant dans ce sens. Au contraire. Dès 1991, des chercheurs ont démontré le gain de telles discussions contre les abus, et ce même si ces « discussions sensibles » étaient abordées dès le plus jeune âge. Avec à peine trois séances, les chercheurs ont identifié que 286 écoliers du CM1 et du CM2 « présentaient une meilleure connaissance et une plus grande aptitude à différentier les situations sans risque des situations dangereuses », sans une quelconque forme de traumatisme.
Ils n’ont ainsi relevé « aucune différence entre les enfants suivis et le groupe de contrôle en ce qui concernait l’anxiété exprimée par les enfants eux-mêmes et les conséquences émotionnelles ou comportementales exprimées par les parents », écrivaient-ils dans la revue scientifique Child Abuse and Neglect (nouvelle fenêtre). Nous n’avons identifié aucune étude permettant de souligner un quelconque choc émotionnel résultant d’une telle formation. Interrogée pour connaitre la source de cette affirmation, l’association conservatrice n’est pas revenue vers nous dans l’immédiat.
S’il n’y a pas eu de conséquences traumatisantes observées, cette étude note à l’inverse que sur l’ensemble des enfants participants, « 5% ont signalé un abus sexuel passé ou présent ». Même constat dans des travaux plus récents. Une méta-analyse publiée en 2010, (nouvelle fenêtre)à partir de 27 programmes destinés aux enfants aux États-Unis allant de la maternelle à la fin du primaire, a démontré « des effets significatifs sur un large éventail de résultats », dont des compétences comportementales « dans des situations à risque simulées ».
Il s’agit donc non seulement d’un apprentissage qui facilite la prise de parole (nouvelle fenêtre), mais aussi des formations qui aboutissent à une meilleure réaction de ces publics vulnérables. Des conclusions qui vont à l’encore des déclarations de SOS Éducation. Toujours dans sa pétition, l’association assure à tort que « parler de sexualité aux enfants dans le cadre scolaire ne les protège pas de l’inceste ou d’abus sexuels », sans toutefois préciser de données objectives pour en attester.
Les arguments scientifiques en faveur de ce programme
Enfin, troisième et dernier motif présenté par l’association, celui qu’aucun « argument scientifique n’apporte la preuve qu’il est utile et protecteur » d’initier les plus jeunes « à la notion de consentement ». Et de fait, nous n’avons identifié aucune étude évaluant précisément l’intérêt d’évoquer cette notion pour les enfants. Toutefois, ce n’est pas non plus l’objectif de l’éducation à la vie affective et relationnelle (nouvelle fenêtre). Ainsi, dans le programme, cette notion n’apparait qu’à partir du CE2 et elle est abordée sans aucune dimension sexuelle. Il s’agit plutôt de « comprendre ce qu’est le consentement et les différentes manières de le solliciter et de l’exprimer ou d’accepter et de respecter un refus ». Ainsi, à la suite de ces trois séances annuelles, les plus jeunes doivent « comprendre que chaque personne a droit au respect de son corps de la part de toute personne jeune ou adulte, familière ou non familière et prendre conscience qu’il existe des mots et des gestes déplacés ou abusifs, qui font violence à l’intégrité personnelle et corporelle ».
Or, ce sont précisément les conséquences de ce type d’instruction qui ont été analysées dans une méta-étude. Parue en janvier 2021 dans le Journal of adolescent health (nouvelle fenêtre), elle repose sur trois décennies de travaux et plus de 80 études. Et ses conclusions sont sans appel. Ces programmes dispensés tout au long du primaire ont démontré « une augmentation significative des connaissances sur les contacts physiques appropriés et inappropriés, sur ce qu’il faut faire dans une situation inappropriée et sur une augmentation des connaissances et des compétences pour identifier les situations dangereuses ».
REPORTAGE – L’éducation sexuelle, ce sont les collégiens qui en parlent le mieuxSource : JT 20h WE
Loin des fantasmes et des débats sur ce qui relève ou non de l’école publique, les cours d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle reposent donc en réalité sur des bases scientifiques solides. Comme le résume l’Unesco sur son site, la documentation montre « systématiquement qu’une éducation sexuelle de qualité a des effets positifs sur la santé, avec des effets à long terme ».
Alors que des enquêtes françaises révèlent que la très grande majorité des plus jeunes est exposée à des images pornographiques, parfois dès 10 ans (nouvelle fenêtre), ce nouveau programme s’appuie quant à lui sur un groupe d’experts « composé de professionnels de l’enfance, de l’éducation, de la santé, ainsi que d’universitaires », indique le ministère (nouvelle fenêtre)de l’Éducation nationale.
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