- Le suicide d’une jeune fille de 9 ans à Sarreguemines (Moselle), le week-end dernier, a suscité une vive émotion ces derniers jours.
- En marge de ce drame, un internaute assure qu’en seulement une semaine, fin septembre, 70 tentatives de suicide ont été recensées en France chez des enfants de 0 à 10 ans.
- Cette affirmation s’appuie sur des publications de Santé publique France, mais la présentation de ce chiffre prête à confusion.
Suivez la couverture complète
L’info passée au crible des Vérificateurs
Une enfant de 9 ans a mis fin à ses jours le 11 octobre à son domicile de Sarreguemines, en Moselle. Selon des témoignages recueillis auprès de proches, la jeune fille souffrait de harcèlement au sein de son école. Touché par cette disparition, un internaute a alerté sur la détresse vécue par de nombreux mineurs, dans un message publié sur le réseau social X (nouvelle fenêtre). « Ce drame, loin d’être un cas isolé, doit nous rappeler l’urgence de la crise suicidaire qui touche aujourd’hui les enfants en France »
, lance-t-il. Pour étayer son propos, il ajoute que « la dernière semaine de septembre, plus de 70 enfants de moins de 10 ans ont été admis aux urgences pour une tentative de suicide »
à travers l’Hexagone.
Un nombre d’hospitalisations nettement inférieur
Un second message nous renvoie vers la source de ce chiffre : il provient, nous dit-on, de Santé publique France. Un passage sur le site de l’institution permet de retrouver le document (nouvelle fenêtre) dont il est issu, à savoir le dernier bulletin mensuel consacré à la santé mentale, daté du 6 octobre 2025. Dans ce document, le nombre hebdomadaire de passages aux urgences pour « gestes suicidaires »
est présenté, avec une répartition en fonction des différentes classes d’âge. Pour les enfants de 0 à 10 ans, le graphique ci-dessous rassemble des données qui remontent jusqu’à 2020.
Pour mieux comprendre ces données, TF1info a contacté Jonathan Roux, chargé de projet et d’expertise scientifique en santé à la Direction des maladies non transmissibles et traumatismes chez Santé publique France. Il indique en préambule que de « 2020 à 2024, on a comptabilisé en moyenne à peu près 2.600 passages annuels aux urgences pour des gestes suicidaires »
. Un chiffre qui porte uniquement sur les enfants de 0 à 10 ans et qui se révèle « stable depuis 2020 ».
Attention toutefois : il serait hasardeux de présenter ces passages aux urgences comme des « tentatives de suicide ». Santé publique France choisit en effet plutôt d’évoquer des « gestes auto-infligés »
et fait remarquer que derrière ce terme, on retrouve une série d’actes assez divers. Des « tentatives de suicide »
, mais également, des « brûlures corporelles, des scarifications, ou bien encore les intoxications médicamenteuses »
. Il faut avoir à l’esprit que « nous n’avons pas de précision sur le fait que ce soit volontaire ou non »
, glisse Jonathan Roux. Un détour par les urgences à cause d’un « médicament surdosé »
et ingéré par un enfant, par exemple, « sera pris en compte ».
Notons que ce sont des urgentistes qui consignent les différents cas lorsque de jeunes patients sont accueillis. Or, il « reste dépendant des informations dont il dispose au moment de la prise en charge »
. Difficile, dans ces conditions, de juger de l’intentionnalité d’un acte et de déterminer avec certitude si un enfant a tenté – ou non – de se donner la mort.
Fort heureusement, bon nombre de ces passages aux urgences ne donnent pas lieu à des hospitalisations. Ces dernières, elles aussi comptabilisées, se révèlent nettement moins nombreuses. Environ une par jour en moyenne sur la période 2019-2024 pour la tranche d’âge 0 à 10 ans. Formulé autrement, cela signifie qu’un peu moins de 15% des admissions aux urgences pour des gestes suicidaires nécessitent une hospitalisation pour les enfants concernés. Précisons que les surdosages de médicaments sont ici exclus des statistiques.
Les suicides de jeunes enfants restent des actes très rares
Vues de l’extérieur, les 2.600 admissions annuelles aux urgences d’enfants de 0 à 10 ans pour des « gestes auto-infligés » peuvent apparaître très nombreuses. Du côté de Santé publique France, on y voit en partie la conséquence des efforts réalisés en matière de prévention. Le 3114, numéro gratuit et confidentiel, permet ainsi une prise en charge par des professionnels du soin, psychologues ou infirmiers. « Ça va du renseignement sur les idées suicidaires à une réorientation vers les urgences »
, observe Jonathan Roux.
Chez les enfants de 0 à 10 ans, les prises en charge concernent filles et garçons dans des proportions relativement égales. Ce n’est que plus tard, « à partir de 11 ans, que l’on observe une séparation »
, ajoute l’expert de Santé publique France. Passé cet âge, les jeunes filles se trouvent davantage concernées.
Si chaque suicide d’enfant reste un suicide de trop, il faut souligner que les jeunes de 0 à 10 ans restent très peu nombreux à se donner la mort : de l’ordre de 5 maximum chaque année depuis 2018. Cela n’empêche pas les professionnels de réfléchir à des moyens d’améliorer les politiques publiques de prévention, pour mieux cibler les individus les plus jeunes qui seraient vulnérables. Pour y parvenir, il s’agira notamment de lever certains tabous encore présents. L’étude nationale EnCLASS (nouvelle fenêtre) sur la santé mentale en apporte une illustration : si elle interroge des élèves dès la 6e, on constate que les questions qui portent sur les envies suicidaires ne sont posées qu’aux lycéens.
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N’hésitez pas à nous écrire à l’adresse [email protected]. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.