VÉRIF’ – Fortes chaleurs : pour éviter de souffrir au soleil, des vêtements clairs sont-ils vraiment conseillés ?

• Une publication sur les réseaux sociaux suggère que des vêtements clairs sont à privilégier lors des épisodes de fortes chaleurs, mais est-ce vraiment un conseil à suivre ?
• Il s’agit d’une idée reçue assez largement partagée, mais on constate aussi que dans le désert, les bédouins privilégient de leur côté des tenues sombres.
• Interrogés par TF1info, des experts en ingénierie textile expliquent que des stratégies variées peuvent être utilisées pour éviter la surchauffe du corps humain.

En marge des fortes chaleurs qui ont touché la France, les résultats d’une étude japonaise de 2019 ont été partagés sur Instagram (nouvelle fenêtre). En été, nous explique cette publication très relayée, « la couleur de ton t-shirt peut vraiment faire la différence ». À l’aide d’une caméra thermique, des polos de couleurs différentes ont ainsi été placés en plein soleil durant quelques minutes. Les résultats interpellent : alors que « le blanc et le jaune sont restés à environ 30 degrés », le noir et le vert foncé « ont explosé à plus de 45 degrés ».

En suivant ce constat, nous sommes tentés d’opter pour des tenues très claires si l’on doit s’exposer au soleil durant l’été. Pourtant, d’autres exemples semblent contredire ces principes, à commencer par celui des Touaregs. Ces derniers, habitués depuis des siècles à la vie dans le désert, n’hésitent en effet pas à se couvrir de tenues sombres.

Pour se rafraîchir, plusieurs stratégies sont possibles

L’étude japonaise (nouvelle fenêtre) évoquée en ligne est-elle fiable ? Doit-on plutôt privilégier des couleurs claires ? Des tenues sombres sont-elles malgré tout utiles pour se protéger du soleil ? Autant de questions que TF1info a posé à un duo d’experts de l’Ensait, l’École nationale supérieure des arts et industries textiles. D’emblée, les enseignants-chercheurs Joseph Lejeune et Philippe Vroman rappellent que le corps humain peut se rafraîchir via quatre méthodes distinctes.

1. La conduction, que l’on pourrait illustrer facilement avec le fait de « poser ses pieds nus sur le carrelage froid » ;
2. La convection, basée sur le passage d’un flux d’air sur le corps. Nous en sommes familiers, il s’agit là du « principe du ventilateur » ;
3. L’évaporation, un processus actif lorsque l’on se met à transpirer et qui voit la sueur, en s’évaporant, absorber l’énergie thermique de notre corps. À la clé, un refroidissement de la peau et une thermorégulation du corps ;
4. La radiation, enfin, est un phénomène se traduisant par l’émission d’infrarouges par le corps humain et d’autres corps. Ce sont ces mêmes infrarouges « qui nous rendent visibles par les caméras thermiques », glissent les spécialistes.

Si nos interlocuteurs effectuent ce préambule, c’est pour mieux justifier leur « réponse de Normand ». En effet, quand on leur demande quelle couleur est la plus efficace pour se protéger de la chaleur du soleil, ils concluent que « tout dépend de la stratégie adoptée ». Tous deux notent que « les vêtements clairs reflètent davantage la lumière », en particulier la partie du spectre de la lumière qui réchauffe, à savoir « les infrarouges émis par le soleil ». Pour autant, « ce n’est pas antinomique avec les Touaregs », dont les tenues absorbent plus d’infrarouges, « mais qui vont s’en servir pour perdre de la chaleur au bout du compte ».  

Pour ce peuple du désert, l’objectif est d’obtenir un refroidissement du corps par le biais de la convection. En portant deux couches de vêtements, ils favorisent une circulation de l’air chaud et son évacuation, profitant d’un « effet cheminée ». Cette stratégie efficace ne fonctionnerait pas avec une seule épaisseur de tissu, a fortiori si celle-ci était moulante et collée à la peau. « N’oublions pas non plus d’évoquer l’épaisseur du tissu », ajoutent les spécialistes de l’Ensait, qui invitent à « ne pas se fier uniquement à la couleur du vêtement ». Si le sujet est complexe, assurent-ils, c’est avant tout car d’innombrables facteurs entrent en jeu et interagissent les uns avec les autres.

Une perception de la chaleur propre à chacun(e)

Pour résister aux assauts estivaux du soleil, « je conseillerais plutôt de porter des vêtements couvrants, amples et clairs », glisse Philippe Vroman. Il ne s’agit pas d’une « solution parfaite », mais elle prend aussi en considération un aspect parfois négligé : la protection vis-à-vis des UV. Quid de l’étude japonaise mentionnée sur les réseaux sociaux ? Les deux enseignants-chercheurs la connaissent bien, lui reconnaissent des qualités, mais l’analysent avec retenue. « Ce qui est mesuré, c’est la température sur l’extérieur du vêtement », soulignent-ils, « or, il existe un microclimat entre le corps et le vêtement, ce qui veut dire que les températures ne sont pas forcément identiques » lorsque l’on se rapproche de la peau.

Les experts de l’Ensait partagent toutefois un constat des chercheurs japonais : le fait qu’un facteur extérieur comme la météo peut modifier les résultats. « Leur étude conclut que la présence d’un léger vent annule les différences de température liées aux couleurs, c’est quelque chose que nous avons également observé de notre côté ». Lorsque l’on se penche sur les mesures effectuées avec une caméra thermique – fiables sur le papier– il faut aussi faire preuve de prudence, estime Joseph Lejeune. « Une mesure, ça ne correspond pas forcément à un ressenti », nous glisse-t-il. Et pour cause : « Tout le monde ne transpire pas de la même manière, d’autant que nous ne sommes pas habitués à être très fréquemment exposés au soleil. »

Notons par ailleurs que la perception de la chaleur n’est pas non plus semblable d’un individu à l’autre. Au-delà d’une tendance humaine à l’accoutumance, « des études ont montré que la population féminine a tendance à vouloir des températures de pièces plus chaudes en hiver. Une vraie différence apparaît avec les hommes jeunes et en bonne santé, qui tolèrent en moyenne mieux le froid ».

En résumé, la couleur « idéale » pour se prémunir du soleil dépend surtout des types de vêtements que l’on choisit et de la manière dont chacun procède pour favoriser la thermorégulation de son corps. Les chercheurs planchent en tout cas sur les textiles du futur. Pour cela, ils n’hésitent pas à s’inspirer de la nature : la fourmi argentée du désert, insecte assez méconnu, « reflète 80% des infrarouges », s’enthousiasment les représentants de l’Ensait. Une petite prouesse sachant que les fibres les plus efficaces aujourd’hui développées en reflètent aux alentours de 40%. Pour imiter ce petit animal, l’idée n’est pas de faire varier la couleur d’un vêtement, mais plutôt de réfléchir aux « structurations de surface » qui vont le caractériser, c’est-à-dire à l’architecture même de la matière.

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