Un ancien eurodéputé assure que Bruxelles a accepté la commercialisation de « viande artificielle ».
Une fausse information qui s’appuie sur le dépôt d’une demande d’autorisation d’une entreprise néerlandaise.
Elle alimente le fantasme d’une nouvelle conspiration des élites pour contrôler notre alimentation.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
Tous les arguments sont bons pour demander un » Frexit ». Quitte à en inventer de toute pièce. Florian Philippot a affirmé ce mercredi 22 janvier que l’Union européenne était « sur le point de délivrer la première autorisation de commercialisation d’une viande de bœuf artificielle ». Un produit qui aurait été « créé en laboratoire » par une entreprise néerlandaise, « avec les fonds de la Fondation Gates », croit savoir l’ancien eurodéputé devenu figure des complotistes. Une rumeur dans laquelle il multiplie les fausses informations.
Bill Gates visé à tort par cette fake news
Tout d’abord, il y a bien eu une très récente demande de commercialisation d’une entreprise néerlandaise. Dans un communiqué publié ce mercredi (nouvelle fenêtre), Mosa Meat annonce avoir déposé sa « première demande d’autorisation de mise sur le marché dans l’Union européenne ». Une « étape importante » pour cette société qui ambitionne de « remodeler le système alimentaire mondial ». Objectif, commercialiser de la « graisse cultivée en laboratoire » afin de donner aux steaks végétaux un goût similaire à ceux à base de viande. « La graisse cultivée est essentielle pour offrir le goût, l’arôme et la sensation en bouche que les consommateurs attendent d’une viande de bœuf de haute qualité », écrit l’entreprise dans le communiqué. À l’heure actuelle, il ne s’agit que d’un dépôt de dossier.
Ensuite, il n’existe aucun lien entre cette entreprise (nouvelle fenêtre)et la fondation de Bill Gates. Si le philanthrope est un grand investisseur dans des projets agricoles à travers le monde, il a effectivement pesé de tout son poids dans le secteur des start-ups spécialisées dans la production de viande de culture et de viande végétale. On peut par exemple citer le financement du projet Beyond Meat ou son investissement dans la start-up Upside Foods, qui a reçu en 2023 une autorisation de commercialiser sa viande de culture aux États-Unis. Mais pas un seul dollar dans les caisses de Mosa Meat (nouvelle fenêtre). Dans sa dernière levée de fonds (nouvelle fenêtre), qui remonte à avril dernier, la société explique que la majorité des financements viennent désormais d’investisseurs publics, dont le projet Invest-NL des Pays-Bas.
Enfin, Florian Philippot induit ses abonnés en erreur sur un dernier point. À savoir cette idée selon laquelle il s’agirait d’une demande pour la commercialisation d’une « viande de bœuf artificielle ». (nouvelle fenêtre)Comme expliqué plus haut, cette demande ne concerne que « la graisse cultivée » et non pas un steak entier. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a en effet pour rôle d’examiner chaque nouvel ingrédient individuellement. Cette demande n’est que la toute « première étape sur la voie de l’introduction de la viande de bœuf cultivée auprès des consommateurs », reconnaît l’entreprise.
Un processus qui devrait durer 18 mois
Il est donc erroné d’affirmer que Bruxelles vient d’accepter que des steaks créés en laboratoire affluent dans les supermarchés du continent. Au contraire, c’est désormais un long chemin administratif qui attend l’entreprise néerlandaise. Avant la commercialisation, il reviendra à l’EFSA d’approuver (nouvelle fenêtre)« le processus de production, la composition, les spécifications et les utilisations proposées » de ce « nouvel aliment ». « Les requérants devront également fournir des informations concernant la consommation escomptée de l’aliment, l’historique de son utilisation ainsi que des données relatives à sa sécurité, des informations sur la manière dont l’organisme transforme l’aliment et des informations sur la toxicologie, la nutrition et les allergènes potentiels », complète l’agence sur son site. Puis, ce sera au tour de la Commission européenne d’étudier la demande dans le cadre du règlement sur les « nouveaux aliments ». Une procédure qui devrait durer environ 18 mois. Et dont l’issue reste tout à fait incertaine.
En résumé, l’affirmation de Florian Philippot comporte a minima trois erreurs factuelles destinées à alimenter le fantasme d’une nouvelle conspiration des élites, Bill Gates en tête, pour contrôler notre alimentation. À ce stade, seule une chose est certaine. L’initiative ne devrait pas passer inaperçue, contrairement à ce que sous-entend l’ancien élu qui multiple les échecs électoraux depuis près de dix ans. Car ce n’est pas le Parlement européen qui donnera son aval à cette commercialisation, mais les 27 commissaires des États membres. Or, une bonne partie des ministres, qu’ils soient français, italiens ou autrichiens, appellent régulièrement à une réglementation plus stricte sur les aliments cultivés en laboratoire. De nombreux freins administratifs qui s’ajoutent au coût très élevé d’une telle production. Pour preuve, même les investissements dans le secteur de l’innovation alimentaire ne cessent de décroitre. Ils ont été divisés par cinq depuis 2021 (nouvelle fenêtre).
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