L’arrivée au pouvoir de Donald Trump pourrait conduire à des relations commerciales et diplomatiques houleuses entre Washington et l’Union européenne.
Donald Trump, investi président ce lundi, a notamment évoqué des droits de douane de 10% sur les importations mondiales.
Des grands groupes français et certaines filières, comme les vins et spiritueux, retiennent leur souffle.
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Commerce mondial : Trump déclenche la « guerre des taxes »
Le Mexique et le Canada peuvent s’inquiéter. À peine élu, mais pas encore investi président, Donald Trump avait menacé ses voisins en novembre 2024, promettant des droits de douane de 25% sur tous les produits entrant aux États-Unis. Durant la campagne présidentielle, le candidat républicain, investi 47e président des États-Unis ce lundi 20 janvier, a répété qu’il voulait imposer 10 à 20% de droits de douane sur l’ensemble des produits entrant aux États-Unis. Le but : augmenter les recettes fiscales et utiliser les droits de douane comme arme de négociation commerciale. Le fera-t-il pour autant ? Et avec quelles modalités ?
Ce lundi, à l’occasion de son discours d’investiture, Donald Trump a de nouveau mis en garde le monde entier. « Nous allons immédiatement remettre à zéro notre politique internationale. Au lieu de taxer nos citoyens pour enrichir d’autres pays, nous allons taxer d’autres pays pour enrichir nos citoyens », a annoncé le président américain. « Pour cela, nous allons mettre en œuvre le service des revenus extérieurs afin de récolter toutes les taxes et tous les droits de douane qui nous sont dus. Des sommes massives rentreront dans notre trésorerie de source étrangère », a-t-il expliqué.
En novembre dernier, l’imprévisible président américain a aussi menacé le grand rival chinois d’une hausse des taxes douanières de 60%. La zone euro est aussi dans son viseur. Il attend notamment de l’Union européenne (UE) qu’elle achète plus de pétrole et de gaz américain et qu’elle réduise son excédent commercial avec les États-Unis, sous peine de taxes douanières. L’UE est en effet le premier partenaire commercial en valeur des États-Unis et représente le deuxième déficit commercial américain, après la Chine.
La France pourrait elle aussi faire les frais du protectionnisme américain. Plusieurs filières redoutent déjà les mesures de protectionnisme que pourrait prendre Donald Trump. « Le luxe et le cosmétique ainsi que les vins et spiritueux sont des secteurs en première ligne en cas de mesure de protectionnisme et pourraient subir des impacts car ils vendent beaucoup sur le marché américain », explique à TF1info Sylvain Bersinger, chef économiste au cabinet Astères, un cabinet de conseil dans le domaine économique.
Le cognac en première ligne
Le marché américain est un marché énorme pour les vins français. L’élection de Donald Trump, en novembre 2024, a instantanément réveillé de mauvais souvenirs pour cette industrie. Les taxes Trump de 25% appliquées aux exportations tricolores aux États-Unis, d’octobre 2019 à juin 2021 – date à laquelle l’UE et les États-Unis ont conclu un accord de suspension des droits de douane pendant cinq ans – en rétorsion au conflit entre Boeing et Airbus, ont en effet perturbé les expéditions vers le marché américain. Le manque à gagner lié à la chute des exportations pour le secteur des vins français avait atteint 450 millions d’euros entre le 18 octobre 2019 et décembre 2020, selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS).
Les Américains sont particulièrement amateurs de cognac. La filière du cognac (72.500 emplois en France) est ultradépendante des exportations, qui représentent 98% de ses ventes, pour un montant de 3,35 milliards d’euros, avec comme premier client les États-Unis (38% des expéditions en volume), devant la Chine (25%). « Si l’on restait à des tarifs douaniers de 10% sur l’ensemble des produits, je ne pense pas que ce serait un tsunami. En revanche, si Donald Trump ciblait des secteurs et des pays spécifiques, par exemple les boissons spiritueuses en France, comme le cognac, alors ces secteurs prendraient un grand coup sur la tête », estime Sylvain Bersinger.
Une menace pour Alpine ?
La menace d’une imposition de droits de douane visant les véhicules venant d’Europe plane également, notamment pour l’Allemagne (BMW, Audi, Mercedes, Volkswagen…). En France, comme le précise les Échos (nouvelle fenêtre), des mesures n’auraient a priori aucun impact pour Renault, le constructeur ayant déserté le marché il y a plus de quarante ans. À moyen terme, les positions protectionnistes de Donald Trump pourraient toutefois représenter une menace pour Alpine, la marque sportive du groupe. Alpine prévoit le lancement de trois modèles aux États-Unis à partir de 2026. Ces voitures doivent être produites par la filiale sud-coréenne de Renault puis expédiées depuis l’usine de Busan. Un relèvement des droits de douane sur les importations des véhicules mettrait à bas ce projet.
Le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump place quant à lui le secteur du luxe dans une situation ambiguë, rappelle Les Échos : d’un côté, les consommateurs américains sont synonymes de belles perspectives pour les champions français du secteur, LVMH, Kering, Hermès ou L’Oréal. De l’autre, ce secteur pourrait se retrouver pris indirectement dans un conflit commercial qui le dépasse, à travers les intentions affichées par Donald Trump d’infliger une surtaxe « universelle » sur les importations. Tout sauf un détail alors que (hors secteur militaire) les produits chimiques, parfums et cosmétiques représentent le deuxième poste d’exportation de la France vers les États-Unis.
« Guerre commerciale généralisée »
La France et d’autres capitales ne comptent pas se laisser faire. « Si nos intérêts sont atteints, nous réagirons », a averti samedi 18 janvier Jean-Noël Barrot. « Qui a intérêt à une guerre commerciale entre les États-Unis et l’Europe ? Les Américains ont un déficit commercial vis-à-vis de nous, mais c’est l’exact inverse en termes d’investissements. De nombreux intérêts ou entreprises américaines sont présents en Europe », a observé le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères auprès d’Ouest-France (nouvelle fenêtre). « Si nous en venions à élever nos droits de douanes, les intérêts américains en Europe seraient les grands perdants. De même pour les classes moyennes américaines qui verraient leur pouvoir d’achat baisser », a-t-il estimé.
Les économistes partagent ce constat et mettent en garde Donald Trump. « L’instauration de nouveaux droits de douane serait une stratégie perdant-perdant pour tout le monde et Donald Trump se tirerait une balle dans le pied », indique Sylvain Bersinger. Cet économiste pointe surtout le « risque d’un engrenage ». Si des droits de douane de 10% sur les importations mondiales sont instaurés et que le président américain « en reste là, ça ira, mais sinon le risque est celui d’une guerre commerciale généralisée », prévient-il. Un conflit auquel personne n’a vraiment intérêt… mais rien ne dit pour autant qu’il n’aura pas lieu.