La fin d’une omerta de soixante-quinze ans. Ce jeudi 12 décembre, les Missions étrangères de Paris (MEP), communauté de prêtres voués à l’évangélisation en Asie et dans l’océan Indien, publient un rapport sur la gestion des violences sexuelles au sein de leur institution de 1950 à 2024. Prise dans une série de scandales à l’été 2023, la société des MEP a confié cet audit au cabinet GCPS (qui a mené 196 entretiens et consulté 4 000 documents) dans « un but de transparence et d’action », présente le père Vincent Sénéchal, supérieur général. Ce rapport ouvre le sujet des agressions commises à l’étranger par des prêtres français, mises sous silence jusqu’alors malgré la vague de révélations des violences dans l’Eglise.
Le rapport répertorie, entre 1950 et 2024, 63 « incidents de violences sexuelles » dans 14 pays, sur des victimes mineures et majeures, sans préciser quels types d’agressions. Ils sont divisés en 8 incidents confirmés et 55 allégations, ayant impliqué 46 prêtres sur les 1 491 ayant exercé sur toute la période, soit environ 3 % des prêtres (un pourcentage légèrement supérieur aux chiffres de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, la Ciase). La majorité de ces faits signalés ont eu lieu dans les années 1970 (19) ou 2010 (16). Dans le même temps, le nombre de prêtres en activité n’a fait que décroître (il n’y avait plus que 160 prêtres en mission en 2020).
Aujourd’hui, Vincent Sénéchal assure que le seul prêtre vivant impliqué dans un des huit cas avérés est « dans une situation qui ne comporte pas de risque ». Pour les autres, les justifications du supérieur général sont plus floues, il admet que certains prêtres visés par les allégations sont toujours en mission. Les MEP n’ont pas souhaité donner les noms des potentiels agresseurs pour « ne pas diffuser une suspicion généralisée », explique-t-il.
Pour les enquêteurs, il est « raisonnable d’assumer que le nombre de victimes est largement supérieur ». Beaucoup de cas ont pu ne pas être signalés depuis les années 1950. A cela s’ajoute la difficile libération de la parole dans des pays comme la Thaïlande ou le Cambodge, les plus concernés par les violences. « La vulnérabilité et les conditions de dépendance de certaines communautés ou de certaines personnes au sein de leur communauté, rendent le signalement très difficile, voire impossible », est-il précisé.
« La proportion d’abus est nécessairement supérieure en mission »
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