L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
Initialement, le terme « blockbuster » qualifiait une bombe extrêmement puissante, capable de faire exploser un quartier entier. Il s’est déplacé dans le domaine du cinéma pour définir un succès programmé où le budget de la campagne marketing dépasse souvent celui du film. On pensait à cette origine militaire du mot devant Wicked, adaptation en grande pompe de la comédie musicale du même nom : lancée à Broadway en 2003, elle bat des records de longévité et s’est depuis exportée dans plus d’une dizaine de pays.
Ce soir d’avant-première, dans l’immense salle du Grand Rex, une horde d’adolescents trépignaient sur leurs sièges, levaient leurs smartphones pour immortaliser des séquences, applaudissaient à des moments sans que l’on comprenne pourquoi. L’expérience fut celle d’un déphasage complet, comme si le processus amorcé par Barbie, de Greta Gerwig (2023) était ici arrivé à maturation.
Quel est-il au juste ? Celui d’un Hollywood qui se réarme et se reconfigure sous nos yeux, renouvelle complètement l’idée qu’il se fait de son public. Il l’imagine jeune, féminin, sourcilleux sur les questions d’inclusivité et de représentation. Wicked s’adresse à lui, lui donne tout, s’épuise à lui plaire et à le divertir – il lui donne corps. C’est le directeur marketing d’Universal qui le confiait lui-même à Variety : « Si vous créez quelque chose qui est véritablement un événement pour les femmes, elles viendront. Barbie l’a prouvé à un niveau stratosphérique. Nous y avons trouvé de l’espoir : que nous puissions être une version de ce même phénomène. »
Préquelle du « Magicien d’Oz »
Fraîchement sortie de la salle de cinéma après avoir vu Wicked, la spectatrice se meut en consommatrice : c’est à elle que sont destinées les milliers de babioles à l’effigie du film, nées d’une étroite collaboration entre le studio et plus de 400 marques.
L’adaptation en deux volets du hit théâtral aura coûté la bagatelle de 300 millions de dollars (286 millions d’euros). Aux manettes : Jon M. Chu, nouveau golden boy qui s’est fait connaître avec la belle franchise Sexy Dance et l’immense succès de Crazy Rich Asians (2018), au casting 100 % sino-américain. Le cinéaste s’est fait l’adroit portraitiste d’une jeunesse américaine politiquement éveillée, multiculturelle, et qui ne dit pas non aux sucreries hollywoodiennes.
C’est très exactement le programme de Wicked, préquelle au Magicien d’Oz qui se focalise sur la méchante sorcière verte, inoubliablement incarnée par Margaret Hamilton dans le film de Victor Fleming (1939). Nous sommes au pays d’Oz, là où voit le jour Elphaba (Cynthia Erivo) qui, parce qu’elle est née avec la peau verte, vit une existence recluse et douloureuse. Désormais jeune femme, elle parvient à intégrer la prestigieuse université de Shiz aux côtés de sa sœur handicapée.
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