Trois jours après le meurtre d’Aboubakar Cissé, un jeune Malien dans la mosquée de la commune gardoise de La Grand-Combe, une information judiciaire a été ouverte pour meurtre avec préméditation et à raison de la race ou de la religion, a annoncé, lundi 28 avril, la procureure de Nîmes, Cécile Gensac.
Cette enquête va être désormais conduite par un juge d’instruction du pôle criminel de Nîmes, sous la houlette de Mme Gensac, précise la magistrate dans un communiqué, en soulignant que le transfèrement du meurtrier présumé, Olivier A., qui s’est rendu à la police italienne dimanche soir, pourrait prendre « de quelques jours à quelques semaines ».
La police italienne a expliqué en fin de matinée lundi qu’un « citoyen français de 21 ans (…) qui a revendiqué le meurtre d’un fidèle musulman, commis le vendredi 25 avril dans la mosquée (…) de la commune de La Grand-Combe en France, s’est rendu à la préfecture de police de Pistoia, en compagnie d’un avocat et d’un proche parent résidant dans cette commune ». Le communiqué précise que les policiers et magistrats italiens sont en contact avec leurs homologues français pour « garantir » que l’homme « soit remis à la justice » française.
Sur le réseau X, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a félicité « chaleureusement » les « magistrats et les enquêteurs » pour l’arrestation de cet homme considéré comme « extrêmement dangereux » qui était traqué par plus de 70 policiers et gendarmes français.
Dans la vidéo qu’il avait lui-même réalisée vendredi juste après son meurtre, face à sa victime agonisante, l’homme, né à Lyon en 2004, de nationalité française et d’une famille bosnienne, se félicitait de son acte et insultait la religion de sa victime : « Je l’ai fait, (…) ton Allah de merde », avait-il répété à deux reprises.
« Je l’ai dit et je le confirme, la piste de l’acte antimusulman et islamophobe est la piste privilégiée », mais le meurtrier avait « certainement d’autres motivations », comme « l’envie d’être considéré comme un tueur en série » notamment, a souligné lundi sur BFM-TV le procureur de la République d’Alès, Abdelkrim Grini.
« Deux poids, deux mesures »
Sur la même chaîne, Mourad Battikh, l’un des avocats de la famille de la victime, a une nouvelle fois jugé « absolument choquant » que le Parquet national antiterroriste (PNAT) ne se soit toujours pas saisi de ce dossier, déplorant au passage que le ministre de l’intérieur ne se soit pas rendu immédiatement sur les lieux à La Grand-Combe et ait attendu dimanche pour finalement s’exprimer à la sous-préfecture d’Alès.
« Moi, la vidéo que j’ai pu voir, il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que c’était un acte terroriste » : « Mettez-vous à la place des fidèles, qui ont l’impression et le sentiment que ce “deux poids, deux mesures” se matérialise un peu plus chaque jour, c’est absolument choquant », a ajouté l’avocat. « Il n’y a aucun “deux poids, deux mesures” » dans la réaction du gouvernement, a rétorqué la porte-parole de l’exécutif, Sophie Primas, alors que la gauche généralement accuse le ministre de l’intérieur d’avoir tardé à réagir. « Bruno Retailleau est très déterminé à lutter contre toutes les formes de ségrégation, de stigmatisation et de violence, contre quelque communauté que ce soit, y compris bien entendu sur nos compatriotes musulmans », a-t-elle affirmé à l’issue du conseil des ministres.
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Le procureur d’Alès a aussi révélé lundi que le mis en cause, une personne sans emploi avec des attaches dans le Gard, jusque-là « restée sous les radars de la justice et des services de police », avait « manifestement bénéficié de complicités » pour se rendre en Italie.
A La Grand-Combe, une marche blanche en souvenir de la victime a rassemblé plus d’un millier de personnes dimanche. Parmi eux, Abdallah Zekri, recteur de la mosquée de la Paix à Nîmes, n’avait pas caché son « sentiment de colère et de haine à l’égard de ceux qui ont commis ce crime », dénonçant un climat islamophobe. Plusieurs centaines de personnes s’étaient également rassemblées en début de soirée à Paris, dont le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui avait accusé Bruno Retailleau de cultiver un « climat islamophobe ».
« Le racisme et la haine en raison de la religion n’auront jamais leur place en France », avait assuré dimanche après-midi le président Emmanuel Macron, en adressant « le soutien de la nation » à la famille de la victime et « à nos compatriotes de confession musulmane ».