Luis Rubiales quitte le tribunal Audiencia Nacional à Madrid le 15 septembre 2023.

Le parquet espagnol a réclamé mercredi 27 mars deux ans et demi de prison contre l’ex-homme fort du football espagnol Luis Rubiales pour avoir embrassé Jenni Hermoso sans son consentement. En Espagne, le parquet présente ses réquisitions, la date du procès n’est pas encore connue.

Le 20 août à Sydney, lors de la finale de la Coupe du monde féminine remportée par la « Roja », il avait, devant les caméras du monde entier, agrippé à deux mains la tête de Jennifer Hermoso et l’avait embrassée par surprise sur la bouche. Il a toujours affirmé que la numéro 10 était d’accord. Une version démentie par Jenni Hermoso qui avait dit s’être « sentie vulnérable et victime (…) d’un acte impulsif et sexiste, déplacé et sans aucun consentement de [sa] part ». Ce baiser avait provoqué une vague d’indignation en Espagne et à l’étranger, forçant M. Rubiales à démissionner le mois suivant.

Il pourrait donc aussi le conduire derrière les barreaux pour deux délits, le premier d’agression sexuelle, pour lequel le parquet demande un an de prison, le second de coercition, pour lequel la peine requise est d’un an et demi de prison. Le ministère public demande également que M. Rubiales soit placé pendant deux ans en liberté surveillée après l’accomplissement de sa peine et qu’il verse 50 000 euros d’indemnités à la joueuse pour le seul délit d’agression sexuelle.

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Des pressions contre la joueuse

Depuis une récente réforme du code pénal espagnol, un baiser non consenti peut être considéré comme une agression sexuelle, catégorie pénale regroupant tous les types de violence sexuelle, y compris le viol. Le délit de « coercition » désigne les pressions, directes et indirectes, exercées sur la joueuse dans les jours ayant suivi l’incident pour la convaincre de dire que le baiser avait été consenti, notamment au moyen d’une vidéo.

Trois autres personnes de la Fédération espagnole de football sont poursuivies dans cette affaire pour ce même délit de coercition. Le parquet réclame ainsi un an et demi de prison contre Jorge Vilda, l’ancien entraîneur de l’équipe féminine, Ruben Rivera, l’ancien directeur marketing de la fédération, et Albert Luque, le directeur sportif de l’équipe masculine. Le parquet demande, en outre, à ces trois hommes et à M. Rubiales le versement d’une indemnité de 50 000 euros à payer « conjointement » à Jenni Hermoso pour le délit de coercition.

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Le juge de l’audience nationale qui a conduit l’instruction avait conclu que ce baiser n’avait « pas été consenti » et était « une initiative unilatérale, faite par surprise », avait expliqué l’instance judiciaire en janvier. « Un baiser sur la bouche affecte la sphère de l’intimité relevant des relations sexuelles », poursuivait-elle, estimant qu’il reviendrait au tribunal « d’apprécier pendant le procès » les conséquences de « [sa] finalité érotique ou non, tout comme l’état d’euphorie et d’agitation ressenti à la suite du triomphe sportif extraordinaire » de l’équipe d’Espagne.

Luis Rubiales, 46 ans, n’a eu de cesse de mettre en avant pour sa défense son « émotion » lors du sacre de « la Roja », « un moment de bonheur », démentant toute « connotation sexuelle ». Refusant initialement de démissionner pour « un petit bisou consenti », il avait attaqué cinq jours plus tard, lors d’un discours retentissant, ce qu’il avait qualifié de « faux féminisme ». Sous la pression, il avait finalement quitté ses fonctions le 10 septembre, se disant victime d’une « campagne disproportionnée ».

Il a depuis été suspendu pour trois ans de toute activité liée au football par la Fédération internationale de football, une décision contre laquelle il veut faire appel. La justice espagnole lui a, par ailleurs, interdit de s’approcher à moins de 200 mètres de Jenni Hermoso, 33 ans, qui est devenue malgré elle un symbole mondial de la lutte contre les violences sexuelles et a été élue femme de l’année 2023 par l’édition espagnole du prestigieux magazine américain GQ.

Les réquisitions du parquet de ce tribunal madrilène surviennent deux jours après la remise en liberté – dans l’attente de son procès en appel – du footballeur brésilien Dani Alves, condamné à quatre ans et demi de prison en première instance pour le viol d’une jeune femme à Barcelone en décembre 2022.

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Le Monde avec AFP

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