Les condamnations ont été accueillies avec émotion et aux cris de « Prison pour les génocidaires, les assassins, les assassins ! ». La justice argentine a condamné, mercredi 27 mars, dix accusés à des peines de prison à vie pour des crimes contre l’humanité, à l’issue d’un procès-fleuve portant sur des centaines de cas survenus dans trois centres de détention de la dictature militaire (1976-1983). Le procès, qui avait débuté en 2020, concernait douze Argentins pour des enlèvements, séquestrations arbitraires, tortures, viols, avortements forcés, disparitions ou vols de bébés.

Le tribunal fédéral numéro un de La Plata, ville proche de la capitale, Buenos Aires, a prononcé dix perpétuités, une peine de vingt-cinq ans et une relaxe contre douze accusés, six autres étant morts entre-temps.

La salle d’audience était pleine de proches de victimes et de survivants qui ont témoigné pendant le procès. Quelque 300 personnes ont suivi dans la rue le verdict retransmis par haut-parleurs.

A l’exception d’un accusé incarcéré, les autres comparaissaient en visioconférence, ayant été assignés à domicile. Certains sont déjà sous le coup de condamnations. Le tribunal a ordonné après le verdict des expertises médicales « urgentes » pour déterminer si leur détention à domicile était révocable et s’ils pouvaient être incarcérés.

Plus de 400 victimes

Le procès portait sur plus de 400 victimes, passées par trois « CCD », les tristement célèbres centres clandestins de détention, à Banfield, Quilmes et Lanus, situés dans un rayon de 25 kilomètres autour de Buenos Aires.

Parmi les accusés se trouvaient des officiers, sous-officiers, policiers et médecins militaires, ainsi qu’un ex-ministre provincial. Tous ont clamé leur innocence, ou leur absence au moment des faits, et l’un a justifié un contexte de « guerre ». Le principal accusé, Miguel Etchecolatz, ancien chef adjoint de la police provinciale de Buenos Aires, est mort en 2022 à 93 ans, en détention, déjà sous le coup de peines de perpétuité.

Le tribunal a condamné mardi Federico Antonio Minicucci, Guillermo Matheu, Carlos Romero Pavon, Roberto Balmaceda, Gustavo Fontana, Jaime Lamont Smart, Jorge Héctor Di Pasquale, Juan Miguel Wolk, Horacio Luis Castillo et le médecin de la police Jorge Antonio Bergés à la prison à vie. L’ancien policier Alberto Julio Candiotti a été condamné à vingt-cinq ans de prison et son collègue Augusto Barré a été acquitté.

Les identités de 133 enfants retrouvées

Selon l’association des Grands-Mères de la place de Mai, partie civile, 23 femmes enceintes figuraient parmi les détenues passées dans ces CCD. Certaines furent avortées par leurs bourreaux, certaines ont disparu et dix bébés furent « donnés » à des familles amies du régime, sept de ces enfants ayant retrouvé leur identité d’origine des années plus tard. Le travail de l’association de défense des droits a permis de retrouver l’identité de 133 enfants sur les 400 qui auraient été enlevés selon elle.

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Parmi les détenues à Banfield figurait Adriana Calvo, victime emblématique (morte en 2010) dont le témoignage poignant, sur son accouchement mains liées et yeux bandés dans une voiture de police, marqua le « procès de la junte » en 1985.

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Le verdict du tribunal intervient sur fond de résurgence du legs de la dictature dans le débat politique. Le président ultralibéral en fonctions depuis décembre, Javier Milei, conteste à la fois la lecture de cette période – plutôt qu’une dictature, il évoque une « guerre » entre Etat et guérillas d’extrême gauche – et le bilan de 30 000 morts ou disparus, selon les ONG de défense des droits humains.

Depuis la reprise en 2006 des procès de la dictature – après une parenthèse d’amnistie dans les années 1990 –, la justice argentine recensait mi-mars 1 176 personnes condamnées, dont 661 étaient en détention, la plupart à domicile. Près de 80 procédures restent en cours, au stade de l’instruction ou du procès.

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Le Monde avec AFP

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