Le déploiement de la garde nationale pour rétablir l’ordre public est rare aux Etats-Unis. Encore plus lorsqu’il court-circuite le gouverneur de l’Etat concerné. La décision de Donald Trump de dépêcher des milliers de réservistes en treillis dans les rues de Los Angeles, puis l’annonce de l’envoi de marines, passant outre l’avis du gouverneur démocrate, Gavin Newsom, après des heurts violents entre l’agence fédérale chargée de l’immigration et des opposants à la politique d’expulsion de masse du président, s’inscrit dans une logique de tension souhaitée et assumée.
En difficulté pour faire adopter un projet de budget qui promet de creuser encore l’énorme déficit fédéral, contrairement à ses engagements et à ceux du Parti républicain, le président des Etats-Unis revient sur des terrains familiers, la lutte contre l’immigration et le rétablissement de l’ordre, par la force si nécessaire, sur lesquels il estime avoir une majorité de ses concitoyens avec lui.
Le choix de la militarisation du maintien de l’ordre rappelle des velléités autoritaires dont Donald Trump n’avait guère fait mystère au cours de son premier mandat. Il avait alors été dissuadé d’opposer l’armée à des manifestants par les voix plus raisonnables qui l’entouraient et qu’il a pris soin d’écarter lors de son retour à la Maison Blanche. Mais l’escalade voulue par le président rend surtout un bien piètre service à la cause qu’il prétend défendre.
Faire du chiffre
Le Parti démocrate a payé cher son inaction sur l’immigration, qui a puissamment contribué, avec les préoccupations liées au pouvoir d’achat, à la défaite de sa candidate à l’élection présidentielle, Kamala Harris. Pour autant, la tactique de la manière forte et des coups de menton ne devrait guère permettre aux Etats-Unis de parvenir à l’indispensable réforme migratoire qui fait défaut depuis des décennies.
La baisse des entrées irrégulières aux Etats-Unis, amorcée dans les derniers mois de la présidence de Joe Biden, a atteint, depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, des planchers jamais enregistrés depuis deux décennies. Ces résultats démentent la surenchère verbale dénonçant une « invasion ». En revanche, le nombre des expulsions reste jusqu’à présent comparable avec celui de l’administration précédente, ce qui explique l’agressivité de la police de l’immigration, sommée de faire du chiffre.
Il y a un an, Donald Trump avait fait pression avec succès sur les républicains du Sénat pour bloquer un compromis trouvé avec leurs homologues démocrates. Il faisait pourtant la part belle aux mesures répressives en prévoyant ainsi le renforcement des moyens de la police des frontières, l’augmentation des capacités d’accueil des centres de rétention, l’accélération des procédures d’examen des demandes d’asile, ou encore des moyens accrus pour expulser les personnes déboutées de leur demande. Les démocrates avaient même renoncé à plaider en contrepartie en faveur de la régularisation des migrants arrivés illégalement sur le sol états-unien alors qu’ils étaient mineurs, et qui sont depuis parfaitement intégrés dans la société américaine.
Cette occasion a été manquée. Le dossier de l’immigration reste otage de postures qui empêchent de prendre sereinement la mesure de ce que celle-ci représente pour l’économie et la société américaine.